Littérature

« Comme un Lego mais sans mémoire » – sur Première personne du singulier de Haruki Murakami

Chercheur en études japonaises

Le nouveau recueil de Haruki Murakami, qui rassemble sept nouvelles publiées au Japon entre juillet 2018 et février 2020 dans la revue littéraire Bungakukai accompagnées d’un inédit, met en scène des personnages-monades immergés dans le réalisme magique caractéristique de l’univers de l’auteur. Plus que jamais, dans ces textes où règne la logique de la contingence, l’univers murakamien apparaît comme un monde anhistorique, apolitique, dans lequel les tragédies sont avant tout intimes.

Né en 1949, Haruki Murakami, dont la carrière a débuté en 1979 avec Écoute le chant du vent et qui a depuis multiplié les succès au point de devenir le romancier japonais sans doute le plus connu au monde, est également depuis ses débuts un novelliste prolifique, dont les éditions Belfond publient aujourd’hui le quatorzième recueil, Première personne du singulier, traduit par Hélène Morita.

Les nouvelles de Murakami sont souvent d’une facture plus légère que ses romans, lui offrant un théâtre d’expérimentations narratives et stylistiques qui peut d’ailleurs les voir parfois prolongées et amplifiées sous cette forme, comme ce fut le cas par exemple pour La ballade de l’impossible ou Chroniques de l’oiseau à ressort.

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Première personne du singulier ne fait pas exception : regroupant sept nouvelles publiées au Japon entre juillet 2018 et février 2020 dans la revue littéraire Bungakukai et agrémenté d’un inédit, le recueil offre un condensé de l’écriture murakamienne, avec ses thèmes et ses tropes bien connus : la mélancolie douce-amère des rendez-vous manqués de la jeunesse, les méditations sur l’amour, la mort et l’incommunicable, l’intrusion inopinée d’éléments fantastiques soutenus par un réseau de métaphores faussement naïves qui immerge doucement le lecteur dans cet univers panlogique du réalisme magique, et évidemment le tombereau de références pop qui semblent se substituer aux grands événements collectifs en tant que points de repères dans une chronologie alternative qui fait encore une fois la part belle aux années soixante, les années de jeunesse de Murakami qui l’ont vu découvrir le jazz, le cinéma et la littérature américaine, entre autres : la liste, non exhaustive, est un peu étourdissante.

Charlie Parker, Stan Getz, Miles Davis, Thelonius Monk, John Coltrane, Art Pepper, les Beatles, Rolling stones, Byrds, Temptations, Righteous Brothers, Beach Boys et autres Supremes, Diana Ross, Percy Faith, Roger Williams, Nat King Cole, Django Reinhardt ; Mo


Antonin Bechler

Chercheur en études japonaises, Maître de conférences à l’université de Strasbourg

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