Littérature

Palimpseste(s) – sur La Dépendance de Rachel Cusk

Professeur de littérature anglaise

Une résidence d’artistes, dans un pays qui pourrait être l’Angleterre. Telle est la première des dépendances qui sillonnent le dernier roman de Rachel Cusk. L’autrice d’Arlington Park signe un huis-clos tourmenté, chargé de références littéraires et artistiques – D. H. Lawrence en tête – qui ne se laissent pas dévoiler, et de tableaux écrits qui, eux, remuent et emportent.

Le diable, dont il sera beaucoup question dans ce bref récit, se cache dans les détails. Détail prioritairement d’ordre palimpsestuel, quand l’opération par laquelle on efface la première inscription d’un parchemin, pour lui en substituer une seconde, laisse néanmoins apparaître, en sous-main, quelque chose du texte antérieur. On y reviendra, c’est le cœur de l’intrigue que signe Rachel Cusk, de nature pleinement hypertextuelle, « au second degré », aurait dit Gérard Genette.

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Deuxième détail, qui, là encore, n’en est un que de nom : sur le rabat de la jaquette représentant une toile de 1996 d’Ilse D’Hollander, en troisième de couverture donc, une courte présentation biographique réunit l’autrice et sa traductrice française, Blandine Longre. Sans être certain qu’il s’agisse là d’une première, on saluera en tout cas le couplage, qui place certes la traduction en deuxième position, mais l’associe publiquement, et de manière indissociable, à l’œuvre de création. Preuve de la reconnaissance croissante, dans la culture contemporaine, dont bénéficie la traduction, ce « presque la même chose » (Umberto Eco).

Commençons donc par saluer l’expérimentée Blandine Longre, et sa trouvaille géniale qui fait de Dépendance un petit chef-d’œuvre de malice traductive. Dépendance, en français, est aussi polysémique que l’est le titre anglais, Second Place, si ce n’est plus. « Dépendance », c’est à la fois concret et abstrait, matériel et moral. L’abstraction, la conceptualisation, comme souvent en français, dominent, mais sans écarter en rien l’acception concrète, terre-à-terre, on allait dire foncière ou immobilière, du terme.

C’est à un château, à une « cuisine » (Jaoui, Bacri), qu’on associe généralement des dépendances. Rien de tel, chez Cusk, où le terme désigne une petite annexe, sise non loin d’une résidence principale, en bord de marais (et de mer), dans un pays non spécifié. Ce pourrait être l’Angleterre – cf. Le Pays des eaux, 1983, de Graham Swift –, mais il est ess


Marc Porée

Professeur de littérature anglaise, École Normale Supérieure (Ulm)

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