Littérature

Main dans la main – sur
La Sainte de la famille
de Patrick Autréaux

Journaliste

Les livres de Patrick Autréaux sont des relevés topographiques ou sismographiques intimes autant que des radiographies. Dans le cas de La Sainte de la famille, deux véhicules entrent en collision, et un constat est établi. En l’occurrence, il s’agit d’une collision bienheureuse et sans heurt, une rencontre peu commune : entre Thérèse de Lisieux et le narrateur (qui se confond avec l’auteur).

Après sa trilogie fondatrice, Dans la vallée des larmes, Soigner et Le Dedans des choses[1], écrits de la déréliction (due à un cancer) suivie d’un retour inespéré à la vie, Patrick Autréaux a poursuivi une littérature d’exploration de soi. Sans doute a-t-il bien une idée a priori de ce qu’il va mettre au jour. Mais seule l’écriture lui permet d’éclairer ce qui, dans les brumes de l’intuition, s’est présenté à son esprit. Il procède ainsi par forages patients, creusant de délicates galeries en quête de lumières intérieures.

publicité

Il faut être plus précis : les livres de Patrick Autréaux, en particulier celui qu’il fait paraître aujourd’hui, La Sainte de la famille, sont des relevés topographiques ou sismographiques intimes autant que des radiographies. Toutefois, pour décrire un événement qui s’est produit en lui, il reconnaît lui-même, page 108 de ce livre, la limite « des comparaisons spatiales et géographiques » : « Une visualisation en trois dimensions de ce qui m’était arrivé est peu satisfaisante. Il faudrait que je trouve des figures non euclidiennes pour en rendre compte. Il se peut même que je cherche depuis une forme littéraire qui me permette de dépasser ces représentations spatiales, pour leur adjoindre sans les abolir des dimensions qui intègrent temps et espace, combat et calme, pour restituer aussi un continuum ponctué de décrochés ».

C’est un fait : les livres de Patrick Autréaux ne cèdent rien aux modes littéraires ni aux stéréotypes. Ils sont brûlants de singularité mais restent pourtant cristallins. Ils fouaillent des zones clandestines sans jamais sombrer dans l’abscons. À ces considérations s’ajoute la mention apparaissant en page de garde pour déterminer de quel genre relève le texte. Ni roman, ni récit, ni prose, mais « constat ».

Une dénomination suffisamment rare, et donc choisie à dessein, pour s’y arrêter. Le constat atteste d’un état des choses, comme le fait là aussi une photographie. Pour autant, le texte de La Sainte de la famille


[1] Les trois volumes ont été publiés chez Gallimard, respectivement en 2009, 2010 et 2012.

Christophe Kantcheff

Journaliste, Critique

Notes

[1] Les trois volumes ont été publiés chez Gallimard, respectivement en 2009, 2010 et 2012.