Quand l’humain se met à trembler – sur Une histoire du vertige de Camille de Toledo
Depuis plus d’une vingtaine d’années, Camille de Toledo trace une voie cohérente et singulière dans le champ de la littérature contemporaine, un champ dans lequel il se tient pleinement tout en l’excédant sans cesse, via son travail d’artiste, ses performances, ses résidences, ses expositions mais aussi ses interventions dans le domaine de la recherche-expérimentation – comme celle dite du « Parlement de Loire », menée de 2019 à 2021.

Il développe ainsi ce que j’appellerai une « œuvre pensante » : une œuvre car il s’agit bien pour lui de créer des formes (littéraires, plastiques, scénographiques, visuelles etc.) ; pensante, car la visée principale n’est jamais la mise en exergue de ces formes pour elles-mêmes mais ce qu’elles permettent d’apporter à l’intelligence des réalités humaines et au premier chef à la tentative d’élucidation de la plus délicate des questions : non pas tant qu’est-ce qu’exister, mais comment ? Et plus particulièrement : qu’en est-il de ce qui (en) nous soutient, car nous avons absolument besoin d’une « tenue » pour habiter ce monde dans lequel en tant qu’humains nous sommes jetés, sans y avoir jamais été destinés, quoi qu’on puisse en croire — nous existons tous et toutes en tant que vivants contingents ; sans étayages nous nous effondrons et même avec le support de ces étais, le tremblement est prompt à nous saisir, bientôt nous nous voyons chutant, à terre.
Une pensée-poème
Une histoire du vertige[1], se consacre à approfondir cette interrogation. Ce livre s’inscrit dans la tradition des essais littéraires qui n’ont crainte d’embrasser large et de proposer une vision de la condition humaine. Camille de Toledo y parvient en maîtrisant parfaitement ce qui constitue son registre : celui du conteur – son domaine est le « racconto », pour reprendre ce beau mot italien qui dénote ce qui peut se raconter. Un conteur poète, car dans Une histoire du vertige c’est un aède qui nous « parle » et nous incite à entrer en conversation tout à la