Exigence morale – sur L’offense de Catherine Hass
Tendu comme une corde de contre-basse destinée à bourdonner de vibrations prégnantes loin en-deçà du brouhaha médiatique, L’offense est un texte bref qui tire sa puissance d’en contenir virtuellement de nombreux autres. C’est d’ailleurs ce qui rend ce récit à l’intelligence douloureuse difficilement assignable à un genre précis, entre la narration qui, certes de manière elliptique, lui confère cependant une direction, les éclats d’une mémoire sensible qui en parsèment le cours heurté et l’affirmation de convictions d’autant plus déterminantes qu’elles sont très solidement étayées par l’essayiste qu’est également Catherine Hass, anthropologue, auteure en 2019 de Aujourd’hui la guerre. Penser la guerre : Clausewitz, Mao, Schmitt, Adm. Bush, aux éditions Fayard, mais aussi de nombreuses analyses parues dans AOC, dont République et châtiment, qui a fait l’objet d’une publication en volume.

C’est aussi que, à rebours exactement des préceptes de l’industrie du divertissement culturel et marchand qui est ici clairement identifiée comme l’adversaire, l’auteure s’astreint à laisser vide le noyau atomique de l’histoire qu’elle ne raconte pas tant qu’elle en déploie virtualités et conséquences. Sans crainte des paradoxes, on pourrait même aller jusqu’à dire qu’elle laisse deux fois vide ce noyau : puisqu’elle ne tente de raconter précisément ni l’attentat du Mike’s Place, à Tel-Aviv, attentat-suicide revendiqué par le Hamas qui a coûté la vie à sa jeune sœur le 30 avril 2003, voici précisément vingt ans, ni ce qu’elle peut précisément savoir ou ce qu’elle peut imaginer de la rencontre de cette dernière et d’un documentariste qui l’a interviewée dans les jours ou les heures qui ont précédé l’attentat, avec son accord, sur la vie festive que l’on pouvait continuer de mener dans ce « Berlin on the beach » que demeurait la capitale économique israélienne durant la seconde Intifada (déclenchée par la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées et le mont du temple,