Littérature

Regards et déplacements – sur Réel Madrid de Mark Greene

Critique Littéraire

Récit autobiographique tourné vers les autres, Réel Madrid témoigne d’une jeunesse madrilène avec puis sans Franco. Mark Greene y décrit une atmosphère, une façon de vivre, de se tenir, de bouger, de parler, de se saluer qui n’avaient cours qu’en Espagne entre les années 1960 et les années 1980.

La belle couverture de Réel Madrid, récit de l’écrivain français Mark Greene, est un montage de plusieurs composants. On y voit un torero qui a la tête baissée et qui ressemble presque à une figurine ; en retrait sur la droite se tient une fillette endimanchée et apeurée. Au-dessus d’eux il y a des jambes, en route vers on ne sait quoi. Ce sont des corps chaussés et habillés selon une mode ancienne, la mode des années 1960 peut-être.

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Réel Madrid est un superbe livre dont la composition et le mouvement sont les principaux motifs, comme le signalent aussi le jeu de mots du titre et le nom de l’écrivain, qui ne sonne ni espagnol, ni français. Il est question du Real Madrid puisque Mark Green, fils unique d’un père américain et d’une mère française, habitait à Madrid à côté du stade de foot, sur l’Avenida del Generalísimo. Le Generalísimo, c’était Franco, et il est présent dans ces pages.

Né en 1963, Mark Greene raconte sa jeunesse dans une Espagne qu’il a connue avec puis sans Franco. L’auteur ne fait pas de politique, il ne pousse pas de cris d’orfraie, il décrit une atmosphère, une façon de vivre, de se tenir, de bouger, de parler, de se saluer qui n’avaient cours qu’en Espagne entre les années 1960 et les années 1980 : « L’Espagne apparaissait singulière, à part, comme une anomalie, une excroissance géographique. La France et l’Italie semblaient plus raffinées, plus civilisées, savamment pétries de culture. L’Espagne était violente, crue, mystérieuse, indéchiffrable, à la fois lumineuse et opaque. Elle donnait l’impression d’ignorer ou de larguer le monde, et le régime de Franco contribuait à cet isolement (jusqu’au début des années 1960, le pays avait réellement vécu en autarcie). »

Mark Greene regarde d’autant mieux son pays natal qu’il a un point de comparaison : il est parti étudier et vivre en France au début des années 1980 tandis que commençait la Movida, à laquelle il consacre un chapitre. Il en est resté « spectateur » : « Ma situation était parti


Virginie Bloch-Lainé

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