Théâtre

Des paysages imaginaires de l’Atlantide – sur La Grande Marée de Simon Gauchet

Philosophe

La Grande Marée, dernière création de Simon Gauchet, s’empare du mythe de l’Atlantide et nous plonge dans le récit de ce qui a été englouti, enfoui et recouvert. En oscillant entre théâtre et performance, la pièce ambitionne d’interroger à nouveau frais notre rapport intime à l’histoire, au passé et à la catastrophe.

De l’Atlantide, cette île abritant une civilisation immergée suite à une catastrophe qu’évoque Platon dans le Timée et le Critias, il ne nous est parvenu que des mots épars, quelques projections de l’esprit, et des fouilles archéologiques sous-marines sujettes à controverse.

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L’histoire de l’Atlantide ressemble à celle d’une disparition sans élément qui puisse attester son existence réelle, une disparition imaginaire d’un lieu imaginaire, en somme, un mythe. Cela n’a pas empêché une équipe de chercheurs de l’université de Berlin de former le projet d’une expédition maritime en quête de ce lieu manquant à la fin des années 1980.

À partir des deux motifs que sont le rêve et le voyage qui animent cette légende, le nouveau spectacle de Simon Gauchet, La Grande Marée, fait le récit d’une série d’enquêtes qui nous plonge dans l’histoire de ce plan d’expédition vers l’Atlantide, dans les mythologies autour de l’engloutissement, enfin dans l’odyssée du processus de création du spectacle, celui même qui se déroule sous nos yeux. Ces différentes histoires viennent, à l’heure de ce que Bruno Latour a appelé le « nouveau régime climatique » et, avec lui, de la disparition d’un monde, interroger à nouveau frais nos rapports à la catastrophe, fantasmée ou vécue.

Quels rôles jouent nos récits, nos manières de raconter et de s’approprier nos vies, leurs désastres, leurs espoirs et leurs rêves, dans nos pouvoirs d’individuation, de création, et de fabriquant de mondes ? Ces récits peuvent-ils nous aider à recomposer de nouveaux milieux pour nos existences multiples, des milieux qui soient non assujettis à nos volontés d’expansion et encore moins livrés à nos pulsions morbides et destructives ? Ont-ils la force de nous accompagner dans les grands bouleversements auxquels nous sommes confrontés ?

Cette question de la valeur opérante et transformatrice de nos histoires, et en particulier de nos mythes, l’artiste Simon Gauchet ne cesse de la décliner depuis sa première mise en


Rachel Rajalu

Philosophe, Enseignante à l'École supérieur d'art et de design TALM-Le Mans