Ici s’arrête l’imagination – sur Retrouver Estelle Moufflarge de Bastien François
Un jour, Bastien François, universitaire spécialiste de droit constitutionnel et professeur de science politique à la Sorbonne, tombe sur un site internet crée par Serge Klarsfled, qui localise les appartements des enfants Juifs déportés à Paris pendant la Guerre.

Par curiosité, ne sachant pas vraiment quelle adresse taper, il fait ce que chacun aurait fait dans cette situation : il entre sa propre adresse, rue Caulaincourt dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Un nom apparait, celui d’Estelle Moufflarge, adolescente juive déportée en octobre 1943, par le convoi 61.
Ce nom ne va plus le quitter. Bastien François va être emporté dans le désir de retracer, de rechercher, de restaurer. Retrouver Estelle Moufflarge est le résultat de cette recherche. Bientôt trente ans après Dora Bruder, un livre précis, juste, vivant, terriblement émouvant.Alors qu’il ne dispose au départ que de quelques informations factuelles, recueillies grâce au travail de Klarsfeld (date et lieu de naissance, adresse pendant la Guerre, un portrait), Bastien François décide de suivre ce qui semble s’être ouvert en lui en voyant le nom d’Estelle – et se rend au Mémorial de la Shoah.
C’est la première scène du livre, et elle en détermine à la fois le cœur et le projet : on lui donne le numéro du convoi dans lequel Estelle fut déportée (le 61, ce qu’il avait déjà lu), et on lui demande s’il a, avec cette jeune fille, un lien de parenté :« elle m’a demandé avec douceur, comme si elle compatissait à un chagrin, si Estelle était une parente, et j’en ai été surpris. J’ai bredouillé un « non » embarrassé. Comment lui dire ce que je n’arrivais pas à m’expliquer ? En sortant du Mémorial de la Shoah ce jour-là, j’ai pensé à la biographie de Louis-François Pinagot par Alain Corbin[1], ce sabotier anonyme du Perche, analphabète et quasi indigent, choisi au hasard dans les archives de l’Orne. J’en savais déjà plus sur Estelle Moufflarge. Il me fallait maintenant la retrouver. Je suis parti à sa reche