Être peintre – sur Peindre devant soi de Jean-Philippe Delhomme
Peindre devant soi est un très beau titre pour le livre assez singulier de Jean-Philippe Delhomme. Ce titre dit en effet la tension vers l’avenir de l’œuvre, toujours au-devant de la vie (c’est une autobiographie), en même temps qu’une espèce de retour spéculatif sur un « je » forcément problématique, avec l’idée sans doute de saisir sa propre image devant soi, ce moi mouvant dont on cherche à attraper l’identité sans jamais y réussir totalement, aussi doué soit-on pour l’autoportrait.

Être son propre spectateur, dédoublé dans l’avancée vers la peinture, dans l’aventure de la peinture elle-même : voilà l’enjeu d’un texte qui vous prend comme on prendrait un train d’autrefois, l’express de l’écriture qui sait suivre à son rythme, le temps de raconter, station après station, l’itinéraire d’une initiation.
L’ordre ici est très simplement chronologique, qui commence dès la première enfance par la conscience d’un don, et un doute : est-elle si sûre, cette faculté de dessiner ? Dès l’âge de quatre ans se pose la question d’une forme de légitimité, quand le public du petit Jean-Philippe est celui tout acquis de ses grand-mère et arrière-grand-mère, et que l’entrée à l’école maternelle va rebattre les cartes de ce jeune théâtre, en posant comme un défi l’acquisition d’une nouvelle popularité, l’adhésion d’autres spectateurs…
Évidemment, il y a une ironie – absolument merveilleuse – dans la façon rétrospective dont l’artiste-écrivain met en scène ses débuts : le voilà donc fragile et vaniteux, excessivement couvé par sa famille, en quête éperdue de reconnaissance. C’est l’occasion de petites scènes enchaînées, cocasses mais souvent douces-amères et émouvantes pour cela-même, car elles mettent en jeu ce qui toujours taraudera l’artiste, comme il l’explique dès l’avant-propos : le lien incertain avec ceux qui peuvent l’aimer grâce à son art, et donc en raison de ce qu’il est, ou essaie d’être. Artiste : est-ce une identité ?
L’affaire est sérieuse, mais Jean-Philippe