Théâtre

Les origines, toujours – sur Neandertal de David Geselson

Critique

Se saisissant de l’ouvrage Neandertal, à la recherche des génomes perdus du chercheur suédois Svante Pääbo pour proposer une fresque géopolitique sur les origines, David Geselson tranche avec son approche habituelle, en cherchant à théâtraliser, une fois n’est pas coutume, une recherche scientifique — un objet a priori moins incisif, qu’il arrive en partie à illuminer.

Chez David Geselson, c’est banal à dire, le monde intime, souvent amoureux, est balloté par les secousses politiques. Qu’elle soit les siennes (dans En-Route Kaddish, l’histoire mouvementée de son grand-père) ou non (la Lettre à D. qu’André Gorz écrit pour sa femme Doreen, ou bien les lettres non-écrites d’inconnus), les histoires qu’il porte à la scène sont systématiquement percutées par ce qui les entoure : bien souvent, la judéité et le conflit israélo-palestinien, centraux dans la réflexion théâtrale de l’auteur et metteur en scène.

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Cela dit, un virage commençait à s’amorcer avec Le Silence et la peur, spectacle un peu plus récent autour de Nina Simone : non seulement l’histoire est bien plus étrangère à l’identité du metteur en scène, mais en parlant d’une célébrité, il devenait automatiquement plus délicat de distinguer la petite histoire de la grande dans laquelle toute star s’inscrit irrémédiablement. Au premier abord, Neandertal a l’air de radicaliser cette nouvelle approche : l’ouvrage de Svante Pääbo, chercheur suédois et prix Nobel de Médecine en 2022, n’a pas grand-chose à voir avec ses marottes — d’autant que, revenant sur l’histoire d’une découverte scientifique, il n’est pas exempt d’une certaine aridité.

À mieux y regarder pourtant, on devine son intérêt pour le metteur en scène : à bien des égards, Neandertal voudrait se présenter, c’est le cas de le dire, comme un retour aux origines. En effet, l’ouvrage de Pääbo, à la recherche du séquençage ADN de l’homme de Neandertal, est l’occasion de questionner le passé le plus lointain, par-delà le seul point de vue biologique. Sans surprise dans le spectacle, l’intrigue scientifique vient immédiatement s’intriquer aux drames de l’histoire : couvrant une vingtaine d’années, du milieu des années 1980 au début des années 2000, celui-ci se laisse traverser par tant d’événements qui éclairent malgré eux l’intérêt d’un travail autour des origines ; certains sont décrits dans le livre lui-même (par exe


Victor Inisan

Critique, Metteur en scène