Littérature

Le décode civil – sur Le Cours de l’eau de Grégoire Sourice

Essayiste

Dans Le Cours de l’eau, Grégoire Sourice plonge au cœur du Code civil pour en extraire les idéologies cachées et les contradictions subversives. Par son approche herméneutique, il transforme ce texte juridique en une œuvre presque poétique, dévoilant comment il encadre nos existences.

Depuis quelques années, s’élabore une réflexion au confluent de la littérature et du droit : la littérature est sollicitée comme un laboratoire des cas de conscience pour reprendre la belle formule de Frédérique Leichter-Flack, permettant d’explorer les espaces troubles de l’éthique. D’Article 353 du code pénal de Tanguy Viel à V13 d’Emmanuel Carrère, la littérature est appelée à la barre selon Christine Baron, non pour témoigner, mais pour observer le fonctionnement de la justice, en marquer les biais ou en saisir les formes d’injustice.

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Le livre de Grégoire Sourice ne s’introduit pourtant pas dans le tribunal, ni dans le palais de justice, comme l’a récemment fait Joy Sorman, mais s’enfonce dans l’épaisseur du code civil, qui règlemente en sourdine nos existences et établit nos manières d’être.

« Le Code détaille la personne française. C’est un livre matriciel : la personne peut vivre sans l’avoir jamais lu, mais sa lecture révèle la personne à elle-même. On découvre alors comment naître, comment s’affilier, hériter, comment épouser, disparaître et surtout comment posséder. »

Ce gros livre rouge, qui a plus de deux cents ans, Grégoire Sourice l’aborde comme un texte matriciel, sinon à la manière d’un texte sacré qu’il enserre de gloses et de commentaires, multipliant les explications lexicales (le terme « découle ») ou les analyses autour d’une virgule à la place insolite : le livre se donne tout entier dans un patient travail d’écritures marginales, cernant un texte opaque, pour en faire sourdre le sens dissimulé. Le livre se déploie selon un goût de l’herméneutique, en multipliant annotations et remarques autour d’un texte central : « Tout serait affaire de doctrine, c’est-à-dire de glose. »

Chaque section s’ouvre par un article dont l’auteur dessine l’archéologie, suit à la trace ses devenirs jusqu’à Legifrance, marque ses perplexités et ses incompréhensions, souligne les métaphores des rédacteurs, ou leurs inconséquences. Mais tout cela pour mieux ma


Laurent Demanze

Essayiste, Professeur de littérature à l'Université de Grenoble

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