Littérature

Un lumineux renversement du regard – sur Transformations de Bertrand Leclair

Journaliste

Une première lecture peut en cacher une autre. C’est cette surprise que relate Transformations de Betrand Leclair, roman dans lequel il compare les effets qu’ont eu sur lui deux lectures espacées de plusieurs décennies de La Métamorphose. Le texte de Kafka, qui explore magistralement l’altérité individuelle au sein de la famille, devient alors le miroir de sa relation à sa fille.

Dans Transformations, Bertrand Leclair raconte l’effet foudroyant qu’a eu sur lui la lecture de La Métamorphose de Kafka, le ramenant quelques années en arrière, quand sa fille était victime de crises de délire, et lui donnant à voir ce que l’oubli au quotidien avait enfoui.

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Qui est un lecteur de Bertrand Leclair depuis toujours, c’est-à-dire depuis L’Industrie de la consolation, sait qu’il n’a pas écrit un seul livre qui ne soit un pari, une quête, une recherche d’une vérité dissimulée dans les représentations courantes et les idées pétrifiées à force d’être arrêtées. Le lecteur a aussi constaté qu’au fur et à mesure, ses « convictions littéraires », pour reprendre une expression qui lui appartient, se sont renforcées en même temps qu’elles se sont affinées. Celle-ci notamment : la littérature a peu d’intérêt si elle n’est que le prétexte de savoirs et l’objet d’une admiration docte et dévitalisée. Au contraire, elle est vivante quand elle engage à des expériences de lecture et constitue une voie de connaissance susceptible de bouleversements intimes. Son Train de Proust était en cela exemplaire : Leclair voyageait dans La Recherche, trop souvent abordée comme une cathédrale muséale, comme un monument visité dans les pas d’un guide ignorant tout ce qui n’est pas répertorié, pour en discerner une inconnue, là où elle le (et nous) mène.

Dans son opus précédent, Puissances de l’art ou la Lance de Télèphe, il poursuivait sa réflexion sur la notion de connaissance via la littérature. Ce livre a aujourd’hui les allures d’une vaste introduction à Transformations, un premier acte théorique, même s’il se situe invariablement dans un espace de pensée artistique. On pourrait jouer à repérer les correspondances entre les deux textes. Citons du premier simplement ce passage : « Décidément le corps reste la seule instance, le référent – et c’est lui d’ailleurs qui peut éprouver et témoigner d’un sentiment de vérité dont le dévoilement, aussi fugace soit-il, toujours et


Christophe Kantcheff

Journaliste, Critique

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