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Jean-Jacques Lebel : « Il ne faut pas pleurnicher sur le passé de Mai 68 »

Journaliste, Journaliste

Artiste, poète, Jean-Jacques Lebel a, par la grâce d’un happening, anticipé Mai 68 à Nanterre dès février 67. Avant de prendre part, quelques mois plus tard, au mouvement du 22 mars puis de lancer l’idée d’occuper l’Odéon, théâtre où il a refusé de commémorer, cette année, les 50 ans du « grand événement ». Nous l’avons rencontré dans son atelier de la Nouvelle Athènes, au cœur du 9e arrondissement parisien, au moment où ferme l’exposition qu’il a imaginé avec Kader Attia pour le Palais de Tokyo et quelques jours avant qu’ouvre, au Centre Pompidou, une autre exposition de ses œuvres, dont il assure qu’il n’est pas fier.

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Artiste, poète, Jean-Jacques Lebel est né à Paris en 1936. Et né une seconde fois, quinze ans plus tard, lorsqu’il rencontra Benjamin Péret et André Breton. Premier auteur de happening en Europe, militant de l’indépendance algérienne, traducteur de la Beat Generation : voilà déjà quelques faits d’armes au moment où survient Mai 68, qu’il anticipe à Nanterre dès 67 et contribue d’initier en prenant part, quelques mois plus tard, au mouvement du 22 mars. Il a eu alors l’idée d’occuper l’Odéon mais a refusé d’y commémorer cette année les 50 ans de l’événement. Nous l’avons rencontré dans son atelier de la Nouvelle Athènes, au cœur du 9e arrondissement parisien, au moment où ferme l’exposition qu’il a imaginé avec Kader Attia pour le Palais de Tokyo et quelques jours avant que n’ouvre, au Centre Pompidou, une autre exposition de ses œuvres, dont il assure qu’il n’est pas fier. SB

 

Dans quelques jours ouvrira au Centre Pompidou une exposition de vos œuvres qui prend place dans un ensemble d’événements consacrés à Mai 68…
Non justement. C’est un piège qu’on m’a tendu. Ce ne sont pas des gens monstrueux mais ils ne comprennent pas. L’institution ça rend aveugle et sourd, comme l’amour. Ils ne comprennent pas qu’après avoir consacré ma vie à 68 – avant, pendant et après – je ne veuille pas prendre part à une sorte de courbette religieuse, ridicule, commémorative, inepte, totalement inepte, qui noie le poisson, qui ne parle pas de la grève générale, qui ne parle pas de ce qui s’est passé dans les usines, qui veut monter en épingle quelques artistes – dont moi. Je ne mange pas de ce pain, pour citer mon ami Benjamin Péret. Mai 68 ce fut un mouvement de masse déclenché par une détresse très profonde, épouvantable. Marcuse a expliqué cela, ce n’est pas la peine de répéter ce qui a été bien dit. Mai 68 a pris la forme d’une contagion rhizomique, et ce n’est pas un hasard si Deleuze et Guattari sont arrivés juste après, comme formulateurs, comme scribes du mouvement.


Raphaël Bourgois

Journaliste

Sylvain Bourmeau

Journaliste, directeur d'AOC