Ecologie

Arturo Escobar : « Il ne peut tout simplement pas y avoir un seul universalisme »

Journaliste

A mille lieues de ce qu’il qualifie d’universalisme et de rationalisme occidental, l’anthropologue colombien Arturo Escobar mobilise à la fois la pensée mais aussi les mouvements sociaux latino-américains pour offrir une perspective différente sur les crises politiques et écologiques contemporaines. Rencontre à l’occasion de la parution en français de Sentir-Penser avec la Terre, l’un de ses principaux ouvrages.

Quand on le rencontre à Paris, Arturo Escobar revient tout juste de la bibliothèque de la ZAD, à Notre-Dame-des-Landes. Il y a parlé de son dernier livre, Sentir-Penser avec la terre, mais aussi de ce que les expériences de luttes territoriales latino-américaines peuvent apprendre en contexte breton. Pas évident quand on professe, notamment à l’université de North Carolina aux États-Unis, le plurivers, l’altérité radicale de l’Amérique Latine. RB

 

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Peut-être qu’on peut commencer par expliquer le titre de votre livre… Sentir-penser avec la Terre, qui traduit en français le concept du Sentipensar (Sentir-Penser) théorisé par votre compatriote, le sociologue colombien Orlando Fals Borda. Comment permet-il de penser différemment la question écologique ?
Le titre du livre comprend deux parties : « Sentir-Penser » et « avec la Terre ». Sa finalité, c’est de porter l’attention sur ce qui arrive à la Terre, et sur la lutte pour la défense de la vie dans laquelle beaucoup de gens sont impliqués aujourd’hui. Contre le changement climatique, bien entendu, mais les dévastations écologiques, économiques et sociales vont bien au-delà. Mon hypothèse de départ, c’est qu’on vit actuellement une crise très profonde, une crise civilisationnelle dénoncée par un certain nombre d’activistes dans différentes parties du monde mais qui touche plus spécifiquement les peuples indigènes d’Amérique Latine. Ce que je suggère, c’est qu’on est face à une crise multiple : climat, énergie, inégalité… mais aussi une crise de sens, on ne sait plus comment donner sens au monde, comment le construire. La question est « civilisationnelle », même si le mot peut poser problème, parce qu’on est en train de dévaster la Terre qui accueille toutes les formes de vie. Donc, pourquoi Sentir-Penser, d’abord parce que c’est un concept de plus en plus utilisé par les activistes en Amérique Latine. J’ai siégé récemment dans le jury de thèse d’une étudiante mexicaine à La Haye, à l’Institute of social study


Raphaël Bourgois

Journaliste

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