Philippe Vasset : « Ma vie sur l’aérotrain : forward/rewind/pause/play/rec »
Depuis quinze ans et la publication de son Exemplaire de démonstration, un livre en forme de machine réflexive sur la saturation du monde par les fictions, Philippe Vasset déploie une œuvre singulière dans le paysage littéraire contemporain. Une œuvre dont il dévoile en cette rentrée avec Une vie en l’air le véritable moteur, ou plutôt la très longue piste de décollage : la rampe de béton en forme de T inversé construite quelques années avant sa naissance dans la Beauce en vue des essais de l’aérotrain, moyen de transport futuriste vite passé aux oubliettes du progrès. Le géographe Michel Lussault a déjà dit dans les colonnes d’AOC l’importance de cet ingénieux ouvrage d’art et de littérature à la fois. Il nous semblait intéressant d’entendre également son auteur en parler, et le replacer, au cœur de l’ensemble très cohérent des textes qu’il a jusqu’ici publié. SB
Même s’il n’a que peu à voir avec ce qui se fait de plus convenu dans le genre, Une vie en l’air apparaît sans doute comme votre livre le plus autobiographique. Est-ce cela qui vous a retenu de l’écrire plus tôt ?
En fait j’ai pu écrire Une vie en l’air précisément parce que je ne l’ai pas envisagé comme une autobiographie, mais comme le récit d’une vie circonscrite à un espace donné, la plate-forme abandonnée d’un projet futuriste, une vie coupée de l’échange social et du temps collectivement mesuré (il n’y a pas de date dans le livre, seulement des évènements qui n’ont aucune assignation temporelle). C’est cela qui m’intéressait : raconter une vie qui ne soit pas une existence, une vie qui cherche son élan et sa forme, pour faire écho au titre du si beau livre de Marielle Macé, une vie dont le principal commerce est la fiction, non pas que cette vie soit rêvée ou imaginaire, bien au contraire (elle est on ne peut plus réelle !), mais parce qu’elle cherche sa langue et sa surface d’inscription.
Et c’est précisément parce que c’est cette vie-là que je voulais raconter que ça a pris autant de t