Littérature

Philippe Vasset ou la littérature à la recherche de l’espace perdu

Géographe

Dans Une vie en l’air, Philippe Vasset relate son appropriation d’un espace exceptionnel : les ruines de l’aérotrain qui courent au nord d’Orléans. Peu à peu, comme l’auteur rend à ce lieu abandonné toute sa poésie, il se trouve hanté, envahi par le monorail futuriste qui lui inspire un texte puissant sur le thème de l’habitation du monde.

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Avec Une vie en l’air, Philippe Vasset livre le récit captivant d’une possession : on y entend donc la voix singulière d’un possédé, mu, parfois à son corps défendant, par une étrange passion – il se consume pour l’ancienne ligne de l’aérotrain, qui court sur quelques kilomètres de plaine Beauceronne, entre Orléans et Paris.

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler ce que fut ce transport monorail futuriste, conçu par un ingénieur fort créatif,  Jean Bertin – et ses équipes.  Le véhicule, circulant sur un rail aérien, glissait, propulsé par une turbine, sur un coussin d’air et devait pouvoir atteindre 500 km/h – un des prototypes franchit les 420 km/h. Pur produit de l’ingénierie à la française – celle persuadée de détenir des solutions techniques permettant de résoudre parfaitement tout problème – développé à partir du début des années 1960, l’aérotrain fut retenu par l’État à la faveur d’un Comité interministériel d’aménagement du territoire de 1967, comme une possibilité crédible de relier les principales villes françaises à Paris par une desserte rapide. On lui préférera après 1974 ce qui allait devenir le TGV, projet qui avait la faveur de la SCNF (et d’Alsthom). Toutefois l’aérotrain, futuriste, fut assez longtemps pris au sérieux, notamment parce qu’il paraissait en rupture avec le rail classique, pour permettre la construction, en 1969, dans le département du Loiret, d’une voie expérimentale de 18 km et des plates-formes nécessaires à l’exploitation et aux tests.

Là, entre Saran et Ruan, au Nord d’Orléans, on édifia une voie en viaduc, en forme de T inversé, un splendide ouvrage d’art de béton, qui connut quelques années d’activités expérimentales avant de tomber en déshérence et de se muer en objet spatial orphelin qui va, dans les années 1980, alors même qu’il ne signifiait plus rien pour les riverains et pour les passants, venir « travailler » Philippe Vasset au plus profond de lui-même, mettre sous tension l’adolescent qu’il fut, puis orien


Michel Lussault

Géographe, Professeur à l’Université de Lyon (École Normale Supérieure de Lyon) et directeur de l’École urbaine de Lyon

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