Théâtre

Milo Rau : « La vie est moins puissante que l’art »

Critique

Depuis quelques années, l’artiste suisse Milo Rau contribue à renouveler en profondeur l’esthétique du théâtre. À l’occasion d’un bref passage aux Amandiers de Nanterre pour son Oreste à Mossoul, il nous a accordé un long entretien, avant regagner l’Italie où il tourne actuellement Le Nouvel Évangile, une production interdisciplinaire sur la vie de Jésus qui joue sur l’ambiguïté entre fiction et réalité. Le prophète est joué par un migrant noir, façon de mettre en scène les parias et les expulsés du monde contemporain pour mener « une révolte de la dignité ».

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Avec plus d’une cinquantaine de pièces – actions, pièces de théâtre, films – Milo Rau est l’un des artistes aux propositions les plus puissantes des dernières années, qui a contribué à renouveler l’esthétique du théâtre. Il présentait cette semaine Oreste à Mossoul au Théâtre des Amandiers à Nanterre, où il rapproche une tragédie classique et une situation politique catastrophique pour mettre au jour les tensions du monde contemporain (Mariane de Douhet avait consacré une critique à ce spectacle dans nos colonnes au moment de sa création). Directeur artistique du théâtre de Gand, Milo Rau est aussi sociologue, essayiste, activiste, et entend faire de l’art un sport de combat. Obsédé par les possibilités de représentations de l’émotion et de la violence, il a entrepris depuis vingt ans une psychanalyse de l’histoire européenne. Il entend ainsi représenter l’obscurité spécifique de notre époque, tout en étant « un chroniqueur et un porteur d’utopie ». De passage à Paris, alors qu’il revient du sud de l’Italie où il organise une « révolte de la dignité » dans les camps des migrants et qu’il tourne une vie de Jésus moderne intitulé Le Nouvel Évangile pour le XXIe siècle, et avant qu’il ne retourne à Matera se cogner au réel, rencontre avec un artiste acharné et une personnalité aussi passionnante qu’ambiguë. YS.

Votre spectacle Oreste à Mossoul, en ce moment en tournée, était présenté ces derniers jours à Paris. Pourriez-vous revenir sur la genèse de ce projet et, à partir de lui, sur les rapports entre les mythes et le réel que votre théâtre met en œuvre ?
Il y a différents débuts. Au départ, disons que j’ai eu une proximité avec les tragédies antiques, car j’ai étudié le grec ancien et le latin à l’école. Ce que j’aime chez Eschyle, c’est la beauté de son archaïsme, et L’Orestie, la plus vieille tragédie grecque, m’a toujours accompagnée. En 2016, j’ai mis en scène Empire, une pièce pour laquelle avec l’un des acteurs nous avons fait la route des réfugiés à


Ysé Sorel

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