Eric Heyer : « La crise sanitaire accélère la transition vers une croissance soutenable »

En septembre 2018, l’économiste Eric Heyer publiait avec la sociologue Dominique Méda et le juriste Pascal Lokiec un ouvrage intitulé Une autre voie est possible. Les auteurs y proposaient de rompre définitivement avec l’« Ancien Monde », sans se soumettre aux sirènes d’un « Nouveau Monde » qui fustige l’État et la protection sociale mais se montre incapable de faire face aux dysfonctionnements du capitalisme financier. Or l’épidémie de Covid-19 a renforcé l’idée selon laquelle on ne pouvait plus ignorer les conséquences sociales et environnementales d’une politique économique qui s’est concentrée ces dernières années sur la croissance et l’austérité budgétaire. Directeur du département Analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Eric Heyer apparaît bien placé à la fois pour mesurer les conséquences de la crise et dessiner des scénarios de sortie. Il veut croire à un changement de paradigme économique. RB
Que sait-on aujourd’hui de la situation économique de la France ? Y a-t-il un consensus sur l’impact de la crise sanitaire et du confinement ?
Le consensus existe en ce qui concerne la perte provoquée par les huit semaines de confinement, même si c’est un consensus réduit puisque seulement trois instituts l’ont chiffrée : l’Insee, la Banque de France et l’OFCE. Le chiffre sur lequel tout le monde tombe à peu près d’accord, c’est 120 milliards d’euros de pertes pour l’économie au cours des deux mois de confinement. Cela correspond à une chute de l’activité sur cette période d’environ 30%, soit un coût de 2 milliards d’euros par jour. Il faut bien faire la distinction entre ces chiffres, pour lesquels on commence à avoir un certain nombre de données et donc une convergence malgré des méthodologies un peu différentes, et un autre chiffre qui circule beaucoup, celui de la prévision de chute de 8% de PIB sur l’année – nous y reviendrons. S’agissant de cette perte de 120 milliards d’euros sur huit semaines, la cause en est évidemm