Politique culturelle

Xavier Rey : « La force des musées est de ne pas faire abstraction de la question sociale. »

Critique d'art

Penser un musée du XXIe siècle, c’est penser un musée qui soit capable de s’extraire du cadre patrimonial et d’initier une démarche participative autour de la création contemporaine, en lien avec les sciences sociales. Nommé directeur des musées de Marseille en 2017, Xavier Rey a trouvé dans cette ville où la question sociale ne peut être laissée de côté un parfait terrain d’expérimentation. Rencontre à l’occasion de la biennale Manifesta 13 qui se tient jusqu’au 29 novembre.

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Directeur des Musées de Marseille depuis 2017, spécialiste de l’œuvre de Degas, Cezanne et de la peinture impressionniste, Xavier Rey a été directeur des collections au Musée d’Orsay qu’il a intégré, en 2010, en tant que conservateur. Ce passionné des musées et spécialiste des questions de politique culturelle accompagne depuis bientôt quatre ans une démarche volontariste au sein des institutions patrimoniales marseillaises, laquelle est marquée par quelques expositions phares : Sophie Calle Cinq (2019) qui réunissait le même nombre de musées de la ville, Par hasard qui a fédéré en 2020 nombre d’acteurs de la vie culturelle phocéenne et plus récemment la biennale itinérante Manifesta qui s’inscrit entre création contemporaine et sciences sociales. Au cœur de cette rentrée durement marquée par les questions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, Xavier Rey revient sur les enjeux contemporains du Musée dans une ville marquée par des frontières symboliques et par une crise du logement bien réelle. Ces questions sociales apparaissent comme une opportunité unique pour penser le Musée du XXIe siècle dans une démarche d’ouverture et d’appropriation qui ne doit pas avoir peur de s’extraire du cadre patrimonial. LGD.

Les Musées de la Ville de Marseille sont pour les trois quart situés dans le centre-ville. Comment pensez-vous leur géographie d’implantation et leurs programmes de médiation au regard d’une ville partagée entre quartiers Sud et quartiers Nord ?
La question est tout d’abord ce que l’on appelle aujourd’hui centre-ville. Marseille est une ville avec des centres répartis sur son territoire. Je ne devrais pas le dire mais, il y a, de fait, trop de musées à Marseille. Ces derniers nous permettent de raconter la riche histoire d’une ville mais la dissémination des établissements est un défi puisqu’elle requiert beaucoup de ressources humaines et financières dans un contexte que vous imaginez contraint. En retour de ces efforts, il faut en retirer la force d’un réseau de bibliothèques qui offre un meilleur maillage territorial. Nous travaillons depuis quelques années à une mise en relation des musées avec les acteurs culturels au sein du territoire. Il s’agit, par cette démarche, d’accompagner le développement culturel formidable de la métropole. Ce réseau c’est celui d’une ville et de ses habitants avec ses frontières symboliques qui viennent parfois caractériser Marseille. En ce sens, nous travaillons aujourd’hui à rendre possible la mobilité de tous les marseillais vers les musées et donc de penser une offre de transport qui accompagne la diversité de l’implantation sur le territoire, notamment pour les scolaires. Cela doit, de fait, permettre à tout le monde de profiter de l’excellence patrimoniale. Nous travaillons également à plusieurs projets hors les murs qui permettraient d’activer des leviers d’innovation pour partir à la recherche de nouveaux publics. Je souhaiterais ainsi qu’une nouvelle étape de la vie des Musées de Marseille s’ouvre avec une exposition d’œuvres majeures hors de son cadre patrimonial. Nous avons aujourd’hui besoin de renforcer l’éducation artistique et culturelle (particulièrement en ce moment !) qui doit permettre de faire vivre une relation avec les publics éloignés, de les faire profiter des musées et cela en trouvant aussi une solution pour que les institutions patrimoniales leur parlent. Alors nous aurons trouvé une solution pour accroître, au-delà de l’audience, l’impact social des musées comme leur ancrage territorial. En y réfléchissant, si on combine ces quelques mesures, nous aurons peut-être trouvé la meilleure réponse à la question de l’engagement d’une collectivité pour ses Musées.

Justement, quel est l’état sanitaire aujourd’hui des musées de Marseille ? Quelles sont vos craintes pour la suite au regard de la pandémie de Covid-19 ? Craignez-vous une coupure avec les publics ?
Le protocole sanitaire est aujourd’hui bien installé avec une mise en place des gestes barrières au sein des établissements. C’est une forme de ritualisation au sein des institutions qui permet une ouverture de plus en plus large et qui a rendu possible, fin août, une ouverture complète de la Biennale Manifesta. Nous avons eu quelques cas au sein des musées qui se sont suivis d’une isolation des cas contacts puis de tests de nos agents. Aujourd’hui nous vivons avec le virus. Le grand changement négatif pour nous est la fin des visites scolaires. Aujourd’hui les médiateurs interviennent en milieu scolaire et nous avons perdu l’ensemble de ces visites sur site réalisées en partenariat avec l’Éducation Nationale. Cette situation nous met face à la difficulté et au défi de penser autre chose, depuis plusieurs mois, avec des consignes sanitaires qui sont en perpétuelle évolution. Le public scolaire est le cœur de notre ambition pour les Musées de Marseille et c’est très difficile de ne pas pouvoir l’accueillir dans nos murs. Nous avons mis en place depuis le début du déconfinement une grande mesure qui est la gratuité des collections permanentes, laquelle a été pérennisée par la nouvelle majorité municipale. Il y aura d’une certaine manière un avant et un après de cette crise sanitaire, et nous voyons dans cette décision un encouragement permettant de faire des Musées de Marseille des lieux toujours plus ouverts, en commençant par ce symbole.

La Biennale de création contemporaine Manifesta 13 a placé au centre de son projet les Musées de Marseille, depuis le Musée Grobet-Labadié lors de son ouverture, jusqu’au musée Musée d’Histoire Naturelle en passant par le Musée Cantini. Au total, huit musées de la ville sont investis par la Biennale dans ce qui ressemble à une nouvelle étape de la « critique institutionnelle » initiée dans les années 80. Quelle lecture faites-vous de ce choix de l’équipe curatoriale ?
Initialement la Biennale Manifesta 13 est ardemment voulue par la ville de Marseille et nous avons d’emblée travaillé avec l’association Manifesta pour que la Biennale investisse les Musées de Marseille. Il s’agissait ici que l’ADN de Manifesta, avec son orientation, puisse se marier avec les institutions. En effet, on peut y voir une nouvelle forme de critique du musée et nous le souhaitions. Sans revenir aux réflexions critiques de Daniel Buren ou de Marcel Broodthaers, nous avions la volonté d’engager de manière collégiale une réflexion sur les institutions patrimoniales. Nous n’avons pas été déçus ! Une fois que l’équipe artistique a été choisie, les curateurs ont eux-mêmes, par le biais de leurs réflexions internationales sur l’institution muséale (aspects institutionnels, discours vertical, place des minorités, statut des collections), proposé une critique « institutionnelle », de l’intérieur, à partir des musées eux-mêmes. Cela s’est naturellement traduit par une présence très forte de Manifesta au sein des musées. Encore une fois, nous en sommes ravis avec un résultat à la hauteur des attentes. Les œuvres produites par les artistes ont trouvé une résonance particulière avec la ville, avec les questions latentes dans l’espace urbain et historique. Les artistes présentés au sein du Musée d’Histoire de la ville sont de ce point de vue saisissants. Par exemple, Samia Henni qui a réalisé tout un ensemble d’œuvres entre art, anthropologie et urbanisme, dans une démarche qui la caractérise. Elle nous offre un travail radicalement critique sur notre ville. Elle nous parle des sans-abris durant le confinement, de l’histoire du logement à Marseille en lien avec le drame de la rue d’Aubagne et en lien avec la construction de la ville après-guerre, notamment par des travailleurs émigrés arrivés en France pour embaucher dans le BTP. Cela trouve une résonance merveilleuse avec le Musée qui porte en lui l’histoire de la ville, justement dans sa dimension la plus institutionnelle. Cela est également construit au regard de notre histoire récente, cette histoire au temps présent qui façonne ici une catharsis collective, comme un tabou familial qui est levé à l’échelle d’une commune. Cela montre bien comment les institutions, loin de l’aspect figé qui semble les définir, sont capables de s’ouvrir et d’avoir un débat y compris dans ce qui lui est très hostile, c’est à dire de parvenir à une autocritique.

Effectivement, nous constatons au sein de la Biennale Européenne itinérante Manifesta une volonté d’agir, de travailler et de réfléchir sur les collections de la Ville de Marseille. Comment s’est articulé le projet de l’équipe curatoriale (Alya Sebti, Katerina Chuchalina et Stefan Kalmár) avec le programme des Musées de Marseille ? Les derniers mois ont été agités, notamment avec l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne (novembre 2019) ; comment regardez-vous et vivez-vous cela depuis votre position et au sein de l’administration des Musées de Marseille ?
Nous avons dû, avec les artistes, intégrer dans notre patrimoine muséal cette part d’histoire douloureuse. Comme une suite directe du travail de Samia Hanni au Musée d’Histoire, nous allons engager l’entrée dans les collections d’un témoignage fort de cette épisode dramatique de l’histoire de la ville. Le collectif du 5 novembre avait déjà, au cours des Journées du Patrimoine 2019, remis au Musée d’Histoire les chaînes utilisées pour condamner l’entrée aux immeubles évacués. Il s’agit par-là de rappeler le traumatisme de ces évacuations vécu par les populations. Il y a là un acte politique qui doit aboutir prochainement et cela en proposant l’acquisition de certains de ces éléments par la Ville. Lors de cette remise des chaînes par les associations, la situation n’était pas pacifiée et les associations s’adressaient à nous en tant que représentants de la Ville et les dépositaires de son histoire. Nous étions en quelque sorte mis au défi, et cela par des revendications et un discours qui allaient bien au-delà de la documentation de cette histoire dans le Musée ; il s’agit de sa prise en compte.

De cette manière vous rejoignez la problématique bien connue des historiens qui est celle de l’écriture d’une Histoire au temps présent. Mais la question reste celle de ceux à qui on donne la parole.
En effet, il y a là deux enjeux particulièrement intéressants. Premièrement, comme vous dites, cette problématique pour un Musée d’Histoire qui est celle de l’Histoire du temps présent, cette histoire que nous vivons, qui nous concerne et dont parfois nous sommes les acteurs. Le deuxième enjeu est également extrêmement innovant et il nous vient des artistes dont nous sommes les transcripteurs. Le cadre de l’entrée de ces pièces dans nos collections nous pose une question : celle de travailler dans une perspective ouverte et scientifique qui construit aujourd’hui le musée du XXIe siècle et qui concerne les modalités d’acquisition. Les éléments qui ont été choisis le sont de manière participative. Il ne s’agit pas ici d’un énième usage de ce mot, quelque peu galvaudé dans notre contemporanéité, mais bien d’une démarche d’entrée dans les collections par les collectifs. Le choix est donc conjoint entre les institutions (représentées par les conservateurs) et la société civile (représentée par les associations). Cette situation doit permettre pour nous, conservateurs de penser la mise en place d’un cas pratique ayant trait à la dimension participative de l’enrichissement des collections et ainsi de participer pleinement à l’écriture de ce musée du XXIe siècle.

Cela ressemble à un travail de conservateur « de terrain ». Alors, comment articulez-vous aujourd’hui le projet des Musées de Marseille avec les sciences sociales ? Le site de la Vielle Charité qui héberge plusieurs institutions des Musées de Marseille héberge également une antenne du CNRS, de l’EHESS et de l’Université d’Aix-Marseille. Voyez-vous ici le lieu d’une rencontre interdisciplinaire ? Quelles formes peut-il prendre ?
Il s’agit de réactiver, en l’adaptant bien sûr, le projet initial qui était extrêmement pionnier. La Vieille Charité s’appelle en réalité le Centre de la Vieille Charité. Il a ouvert en 1983 après un très long chantier patrimonial, dans le sillage du Centre Georges Pompidou, à l’origine le Centre National d’Art et de Culture Georges Pompidou. Celui-ci a ouvert de nouvelles « frontières » en associant le Musée d’Art Moderne à une grande bibliothèque publique, des formes non-muséales d’art contemporain avec le cinéma, le théâtre, la performance. Le Centre de la Vieille Charité est à sa manière un « enfant » de cette première expérimentation mais il a cherché d’autres frontières à défricher en allant du côté de la porosité académique, en imaginant des acteurs universitaires en lien avec les Musées. Cette utopie intellectuelle s’est concrétisée avec quelques réalisations dans les années 80 et, malheureusement, ces initiatives qui semaient alors les graines de lieux tels les friches ou ce que l’on appelle aujourd’hui les tiers-lieux, s’est endormi au sein de la Vieille Charité. Il s’agit aujourd’hui de trouver ce qui a bien fonctionné dans ce projet et de travailler ensemble à sa redéfinition. De voir comment nous pouvons aujourd’hui créer du commun et des rencontres entre intellectuels mais surtout avec le grand public.

Cette rencontre entre sciences sociales et pôles de diffusion culturelle est à la racine du projet même de Manifesta. Est-ce que le projet en cours Traits d’union.s s’apparente à une préfiguration du projet à venir ?
Une préfiguration je ne sais pas. Mais Manifesta a incontestablement participé à cette dynamique en s’emparant de la Vieille Charité comme d’une agora, comme celle qu’elle a été, et comme celle qu’on veut qu’elle soit, notamment en organisant la journée d’étude Retracer les Fractures autour du patrimoine extra-européen et de sa restitution. Cette journée a vraiment permis un échange et une discussion riche autour d’un débat qui semble aujourd’hui se scléroser. Il s’agit bien dans notre projet de travailler à une rencontre de la recherche, des formes artistiques pour une nouvelle écriture du savoir et pour progresser face aux exigences de diffusion de ce savoir qui sont de plus en plus assignées au monde de la recherche et des Musées. Nous cherchons également par là à générer une rencontre avec les publics.

Vous avez été nommé à la direction des Musées de Marseille sur la base d’un projet. Pouvez-vous nous en donner les grandes lignes ?
Au départ, connaissant très imparfaitement la ville, ma première intention et la feuille de route qui m’a été confiée étaient doubles. Il s’agissait à la fois de parfaire l’organisation centralisée des Musées qui avait été grandement mise en place par la création de la direction centrale en 1984, laquelle s’était incarnée avec les réserves mutualisées et le service des collections en 2004. Il s’agissait également d’affermir sa position avec une programmation culturelle, ce qui est aujourd’hui en bonne voie tant en termes d’équipes scientifiques, que de lisibilité, de communication ou de projets connexes entre les établissements. Le second axe concerne plus les musées municipaux qui avaient beaucoup bénéficié d’investissements pour la préparation de la Capitale Européenne de la Culture en 2013. Il s’agissait également de les intégrer davantage dans l’écosystème culturel de la ville, notamment celui hérité de 2013. Cela s’est incarné au fil des collaborations que nous avons tissées au gré des années avec le Mucem pour l’exposition Picasso, avec le Frac pour Claude Lévêque ou encore avec la Friche de la Belle de Mai avec les expositions Par hasard.

Concernant les perspectives ?
Nos perspectives sont probablement plus du côté du maillage territorial des musées, et d’aller encore plus loin dans leur impact social avec des projets hors les murs dont nous avons déjà parlé. Il s’agit principalement dans le cadre d’un musée du XXIe siècle de les faire sortir de leur cadres patrimoniaux pour qu’ils irriguent les débats sur le patrimoine et sur l’urbanisme, en lien avec les collections d’Histoire dont ils sont porteurs. Il s’agit d’accompagner les professionnels pour penser avec l’aide du musée la ville de demain et de faire vivre le débat sur l’avenir de la ville auprès des habitants. Nous souhaitons par-là que les Musées et leurs acteurs puissent apporter leur expertise patrimoniale dans ces réflexions, avec les architectes et les urbanistes.  En parallèle de cet enjeu, nous souhaitons faire vivre le débat sur l’avenir de la Cité dans un dialogue avec le grand public, tout cela en lien très étroit avec l’histoire de Marseille dont nous sommes les dépositaires. Nous nous appuyons pour ce travail sur l’étude qui a été réalisée par Winy Maas et le cabinet MVRDV en 2018 et qui s’intitule Le Grand Puzzle. L’enjeu est de permettre à la connaissance du patrimoine de participer, comme elle le doit, à la transition énergétique, car elle est porteuse de plus de sobriété dans les investissements, et de davantage de lien social.

Un rapport publié en septembre de cette année, « Cinquante ans de pratiques culturelles en France », nous montre que seuls 29% des Français se sont rendus dans un musée au cours de l’année 2018, soit quasiment le même taux qu’en 1973. Doit-on, selon vous, y voir l’échec de 50 ans de démocratisation culturelle
Je ne connais pas ce chiffre et je dois dire qu’il me surprend. Nous sommes plutôt sur une progression, notamment en termes d’impact scolaire. Il faut regarder l’offre culturelle en fonction de son histoire et cela est particulièrement emblématique à Marseille. L’offre culturelle depuis 1973 a changé de dimension au sein de la ville, notamment concernant les arts visuels. Donc si cette stagnation est vérifiée nous devons aussi voir que les pratiques artistiques ont considérablement évolué, et elles alimentent l’évolution d’une société. Cela fait au moins 40 ans que les musées innovent, notamment dans leurs pratiques auprès des publics. Les musées d’aujourd’hui ne sont pas les musées d’il y a 40 ans. Les musées se transforment physiquement dans l’apparence qu’ils offrent aux publics, dans leurs techniques également ; et souvenons-nous qu’ils ont été les premiers à utiliser les outils numériques. J’ai grandi avec le CD Rom du Musée d’Orsay qui, en 1997, avec les capacités informatiques rudimentaires d’un PC 486, avait inventé la visite virtuelle qui irrigue aujourd’hui les sites internet tels le Google Art Project. Donc 25 ans plus tard, la technique a permis d’être à la hauteur de l’ambition qu’on avait entrevu notamment grâce à des musées qui étaient à la pointe. C’est un exemple parmi d’autres qui permet de documenter 40 ans d’innovation dans les musées, d’ouverture, de médiation. De la même manière, les musées ont inventé les relais du champs social. On le voit, les objectifs sont infinis ; c’est un travail sur les collections mais aussi sur les appropriations.

L’activiste Mwazulu Diyabanza a tenté de récupérer au sein du Musée du Quai Branly de Paris un objet datant du XIXe siècle et originaire d’Afrique centrale, et ce afin de marquer son mécontentement face à la France, qu’il accuse d’avoir pris possession de dizaines de milliers d’œuvres d’art issues de ses anciennes colonies. Quel regard portez-vous sur ce type d’action en tant que directeur des Musées de Marseille ? Comment voyez-vous l’avenir de cette question à la croisé du Musée du XXIe siècle et des études post-coloniales ?
En tant que professionnel des Musées je ne peux que préférer aux opérations commandos, comme celle menée au sein du Musée du Quai Branly, l’accueil au sein des musées d’un débat que je pense sincèrement possible ; et en premier lieu, face à ces revendications, je reçois la demande plus large que les musées soient toujours plus les agoras qu’on leur demande d’être. Il s’agit aussi d’envisager par ce dialogue, ouvert, ce qui peut être changé dans la prise en compte de ces questions et cela sans langue de bois. Les discussions que nous avons eues à l’occasion de Manifesta à ce sujet m’ont ouvert les yeux sur la nécessité de recueillir les intentions des uns et des autres. Je pense qu’aujourd’hui la force des musées est de ne pas faire abstractions de la question sociale dans le contexte décolonial.

Enfin, le Musée d’Art Contemporain de Marseille a fermé pour rénovation en 2019, qu’en est-il du chantier ? Également, qu’en est-il du projet de la Villa Méditerranée à proximité du Mucem, là où devrait être implantée une réplique de la Grotte Cosquer ? La ville de Marseille est-elle partenaire de cette reconstitution ?
Le premier coup de pioche du chantier du MAC a été donné en septembre. Nous avons déménagé les équipes pour un chantier de neuf mois avec une réouverture prévue en 2021, autour d’un projet nouveau. Le MAC continue de diffuser sa collection à travers des propositions hors les murs et à travers un programme de médiation vers les scolaires, mais celui-ci est une nouvelle fois tributaire du protocole sanitaire. Concernant la grotte Cosquer, c’est un projet de la région Sud que nous suivons avec intérêt. Son emplacement nous permettrait de travailler sur une connexion depuis le Mucem vers la Vieille Charité. Je dois reconnaître que j’ai eu un regard sceptique sur ce projet à l’origine, car j’avais du mal à envisager son implantation en centre-ville. Mais le projet m’apparaît convaincant dans sa réalisation et nous sommes prêts à travailler à créer des liens avec cette future institution. Il s’agit alors pour nous de travailler à des connexions entre les Musées et les collections, entre les territoires et les disciplines ; à l’image du projet mené par Ali Cherri pour Manifesta 13 au Musée des Beaux-Arts, qui a sorti une pièce de taxidermie de la collection du Museum pour la présenter dans l’aile opposée du Palais Longchamp !


Léo Guy-Denarcy

Critique d'art