Tiphaine Raffier : « Je fais un théâtre d’événement »
Tiphaine Raffier est une des metteuses en scène les plus passionnantes de sa génération, également autrice et comédienne. Alliant une recherche radicale au plaisir simple de raconter des histoires, ses œuvres s’offrent comme des mondes en soi pour explorer des questions profondes tout en assumant une dimension spectaculaire. Elle cherche ainsi à concilier la plus grande exigence avec le divertissement, en mettant en tension tous les moyens qu’offre la scène : travail sur la langue, jeu de l’acteur, dispositifs sonore et vidéo léchés, scénographie sismographique… Considérant le théâtre comme un lieu qui peut à la fois séparer et réconcilier les êtres, cette « femme coupée en deux », nom qu’elle a choisi pour sa compagnie, aime à explorer les vertiges éthiques. Avec Némésis, sa dernière création présentée en ce moment à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, elle adapte un roman de Philip Roth qui nous plonge dans la communauté juive de Newark, en 1944, à travers l’existence de Bucky Cantor, jeune professeur de gymnastique. Alors que tous ses amis débarquent sur les plages normandes en héros, lui s’occupe d’un terrain de jeu du New Jersey jusqu’à ce que survienne un événement terrible : une épidémie de poliomyélite, événement inventé par Roth. La maladie frappe arbitrairement les enfants et Bucky s’indigne et s’interroge, devenant un « malade du pourquoi ». Car comment comprendre que la déesse de la vengeance s’abatte ainsi sur des innocents ? Y.S.

Votre travail met souvent en scène des dilemmes moraux, je pense notamment à La Réponse des hommes, qui m’évoque une sorte de « théâtre de situation » renouvelé. Comment continuez-vous à explorer la question du mal avec Némésis, que l’on peut considéré comme une parabole ?
Je dirais que je ne m’intéresse pas tant à la question du mal qu’à la question du bien. Le titre « la réponse des hommes » m’est venu de l’Évangile de Saint Matthieu 25, au moment où Jésus énonce ce qu’on a appelé par la suite les « œuvres de miséricorde