Théâtre

Splendeurs et misères de l’humanité – sur La réponse des Hommes de Tiphaine Raffier

Critique

Accueillir les étrangers, donner à boire aux assoiffés, vêtir ceux qui sont nus, visiter les prisonniers, assister les malades : dans La réponse des Hommes, Tiphaine Raffier prend pour point de départ les œuvres de bienfaisance que se devrait d’accomplir chaque chrétien… En résultent neuf tableaux qui tendent un miroir aux situations extrêmes auxquelles nous pouvons nous trouver acculés, aux dilemmes moraux que nous devons trancher et qui mettent à l’épreuve notre humanité.

Cela commence tambour battant : les blouses blanches s’agitent, puis laissent place à des costumes folkloriques éclairés par des flammes, tandis que des chants archaïques s’élèvent, puissants – de quelle cérémonie, de quel rituel sommes-nous les témoins mis sous tension ?

Tout va très vite : une couronne de fleurs est vissée sur la tête d’une femme, elle se débat, l’étau se resserre, la femme crie, du sang dégouline, et les fleurs se font épines, lui donnant l’allure d’une martyre femen. Une femme plus âgée apparaît, grimaçante, elle-même coiffée de ce couvre-chef de torture ; elle cherche à la rassurer : ne t’inquiète pas ma chérie, tu vas voir, ça va cicatriser, et au bout de quelques années, on commence à s’y faire…

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Peine perdue, la nouvelle couronnée ne semble pas réconfortée, le regard inquiet, le front rouge, et on la comprend. La porte s’ouvre de nouveau, et cette bourrasque d’intensité s’y engouffre, disparaissant derrière le mur blanc qui clôture la scène. On souffle un peu, encore sur ses gardes – que va-t-on maintenant nous faire vivre, après une telle entrée en matière ?

La Réponse des hommes renouvelle le théâtre de situations, un théâtre ajustant des situations-limites afin d’exprimer au mieux les enjeux du monde.

Les mots « Accueillir les étrangers » sont alors projetés, comme un titre ou un indice, avant de laisser place de nouveau à la vidéo. Mais cette fois les comédiens sont dérobés à notre vue, et nous sommes plongés par l’intermédiaire de la caméra dans une maternité reconstituée. La femme hurlant de douleur que nous avons quittée se tient désormais, sans couronne de fleurs, devant un psychiatre patibulaire à qui elle raconte le cauchemar auquel nous venons d’assister.

Nouvellement mère, elle confesse : elle n’arrive pas à considérer son enfant, cet étranger qu’elle a porté en son sein, à l’accueillir comme tout le monde s’attend à ce qu’elle le fasse. S’engage dès lors un jeu de regards avec le spectateur : alors que tous les soignant


[1] Jacques Derrida, Pardonner. L’impardonnable et l’imprescriptible, Paris, Galilée, 2012, p. 27-28.

[2] Nom de sa compagnie.

Ysé Sorel

Critique

Notes

[1] Jacques Derrida, Pardonner. L’impardonnable et l’imprescriptible, Paris, Galilée, 2012, p. 27-28.

[2] Nom de sa compagnie.