Justine Triet : « Un scénario filmé est une catastrophe »
Anatomie d’une chute arrivera sur les écrans dans un mois, mais il a déjà déchaîné les passions depuis l’obtention de sa Palme d’Or. L’entretien avec son duo de producteurs Marie-Ange Luciani et David Thion (édition du 8 juillet d’AOC) était déjà une réponse nette aux vaines polémiques visant, à travers le film, le système de financement du cinéma d’auteur français. Justine Triet, quant à elle, n’est pas du genre à être facilement déstabilisée. Ses films aiment à dompter des situations chaotiques prises sur le vif (la pression de la foule dans La Bataille de Solférino) ou, comme dans ce dernier film, bordées par des procédures judiciaires. Anatomie d’une chute marque aussi un accomplissement tant le film se déploie à plusieurs niveaux. Il est autant un pur plaisir de suspense judiciaire qu’un saisissant instantané familial révélant un jeune acteur à l’inoubliable regard empêché (Milo Machado Graner). Il conjugue aussi l’efficacité du thriller avec le pamphlet féministe, nourri par la colère de voir la vie d’une femme moralement disséquée par l’appareil judiciaire et l’opinion. Enfin, son évident soin de fabrication et l’assurance de mise en scène laissent une grande liberté d’appropriation à chaque spectateur et spectatrice. Chacun et chacune y percevra sa propre vision du couple, de la création littéraire, du récit de soi et du cérémonial de la justice, tout cela en écho avec ses propres résonances intimes.
Un tel tour de force peut-il livrer ses secrets de fabrication ? Rencontrer Justine Triet et capter l’enthousiasme de sa parole, c’est déjà lever un voile sur ses méthodes de travail. Elle se révèle une cinéaste toujours avide d’aller contre les habitudes, y compris les siennes. JL

Parmi tous les cinéastes français apparus dans les années 2010, tu es celle dont la filmographie apparaît la plus diverse. Tu as commencé avec la vidéo, l’installation, puis le documentaire, puis le mélange documentaire / fiction, puis les fictions avec des acteurs connus. S