Médias

En Suisse, l’audiovisuel public attaqué par des petits pois

Professeur de littérature et d'histoire des médias

À la veille de la votation qui doit décider de l’avenir de la Société Suisse de Radiodiffusion et Télévision, il faut s’interroger sur un mouvement d’affaiblissement généralisé de l’audiovisuel public en Europe. Les ingrédients sont les mêmes partout : pression libérale, délinéarisation de la consommation mais aussi incapacité des intéressés à remettre en cause un modèle ringardisé. Pourtant des solutions existent.

Ce dimanche 4 mars, les Suisses se prononceront sur une initiative intitulée « No-Billag », du nom de la compagnie chargée de percevoir la redevance aujourd’hui obligatoire servant à financer la radio et la télévision publiques. Cette initiative prévoit de priver la SSR (Société Suisse de Radiodiffusion et Télévision), responsable de sept programmes de télévision (en trois langues) et de dix-sept programmes de radio publics, de tout financement de ce type. La redevance rapporte 1,2 milliards de francs à la SSR (environ 1 milliards d’euros) pour un budget total qui, avec les recettes publicitaires, se monte à 1,6 milliards. Elle est actuellement de 451 Fr. par an et elle devrait de toute façon passer au chiffre symbolique de 365 Fr. (1 fr. par jour).

Quoi qu’en disent les promoteurs de l’initiative, qui ont été jusqu’à présent incapables d’esquisser un après-SSR convaincant, son acceptation signerait manifestement la fin d’un service télévisuel et radiophonique public digne de ce nom en Suisse, dont il faut rappeler que, divisée en trois (ou quatre) régions linguistiques, elle n’a jamais représenté un marché suffisamment rentable pour qu’un opérateur privé d’envergure nationale puisse s’y installer. En matière de télévision et de radio nationale, la SSR dispose donc d’un monopole, ce qui n’est certes pas défendable en soi. Mais tout porte à croire que si les citoyens helvétiques décidaient de lui couper ses ailes financières, il n’existerait pas la moindre solution de rechange pour assurer à la Suisse une couverture télévisuelle et radiophonique de portée nationale. Aux italianophones et aux francophones, dont les chaînes de télévision sont actuellement subventionnées de facto par les Alémaniques, il ne resterait à coup sûr que les yeux pour pleurer.

L’initiative est soutenue par une coalition assez hétéroclite, mais ce sont les plus dangereuses parce qu’elles ratissent large.

Les jeux ne sont pas faits, le malaise est là. L’initiative fait symptôme : l’avenir des té


Vincent Kaufmann

Professeur de littérature et d'histoire des médias, MCM-Institute de l’Université de St. Gall, Suisse