Paris, quelle ville-monde ?
D’abord je ne voulais rien en dire. Cet échange entre le ministère de l’intérieur et la Ville de Paris, entre Gérard Collomb et Anne Hidalgo à propos des campements de migrants le long des canaux St-Martin et St-Denis, avait quelque chose de proprement obscène et insupportable, rien ne devait l’alimenter, il fallait juste les dédaigner, se taire : une fois de plus, quelques centaines de migrants (2 500 cette fois-ci, dit-on) étaient les otages de la politique nationale française. Ils l’avaient déjà été lorsque la « jungle » de Calais a été détruite au moment du lancement (échoué) de la campagne électorale de l’ex-président de la République, en octobre 2016. C’est au moins une première interprétation, immédiate, qui ne nous apprend rien d’autre que la confirmation du cynisme courant du monde politique. Une seconde lecture est possible, je voudrais l’ébaucher alors que le campement du quai St Denis vient d’être évacué.

Sauraient-ils en rire, eux les migrants ? À voir le film L’Héroïque Lande de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, on réalise à quel point la perception qu’ont certains circulants sur la politique migratoire et les droits de l’homme en Europe est digne des plus fins experts des Nations unies. Qu’ils sont bêtes tous ces responsables politiques français qui n’ont pas compris qu’il y a autour d’eux, dans ces campements et sous ces minuscules abris que sont pour eux nos chères tentes Quechua, toute l’intelligence du monde des circulants, migrants, errants, qui apprennent en vitesse accélérée ce que sont les autres sociétés, les autres États et les autres cultures, qui les observent et en parlent avec lucidité et parfois humour… jusqu’au moment où ils sont placés dans de telles conditions matérielles que cela devient proprement insupportable, qu’ils se voient eux-mêmes en train de descendre et même dégringoler les degrés de l’humanité dans le regard des autres et, à force, dans le leur aussi, et se rapprochent de la rage et de la destruction. Ils n’