Laïcité

Et si, au lieu du vademecum Blanquer, on relisait (Jules) Ferry ?

Historien

Destiné aux enseignants et aux chefs d’établissement, le récent vademecum « La laïcité à l’école » se préoccupe davantage de ce que l’on porte « sur la tête » que de ce qui est « dans les têtes ». Face à un tel glissement, il est grand temps de relire Ferry et Jaurès, et de revisiter les débuts de l’École laïque et républicaine, et notamment l’épisode célèbre de la « guerre des Manuels »

Le ministère de l’Éducation nationale vient de publier un vade mecum « La laïcité à l’école » destiné aux enseignants et aux chefs d’établissement.  Mais il s’avère que l’on s’y préoccupe plus des comportements, des vêtements et surtout de ce que l’on porte « sur la tête » que de ce qui est « en tête », « dans les têtes ». Et c’est pourtant ce qui devrait être essentiel, en particulier à l’École. L’histoire des débuts de l’École laïque et républicaine peut nous le rappeler, en particulier aux  moments de forts affrontements connus sous l’expression « guerre des manuels ».

Publicité

La situation dans laquelle nous nous trouvons n’est pas vraiment neuve en effet, elle a même été à certains égards constitutive de l’institution de l’École laïque et républicaine en France, avec ses deux composantes principales (à savoir d’une part l’affirmation de sa neutralité confessionnelle et du respect des religions ; et d’autre part son engagement politique résolument républicain).

Ainsi Jules Ferry l’affirme-t-il au Sénat : « Nous sommes institués pour défendre les droits de l’État contre un certain catholicisme, bien différent du catholicisme religieux, et que j’appellerai le catholicisme politique. Quant au catholicisme religieux, qui est une manifestation de la conscience d’une si grande partie de la population française, il a droit à notre protection […]. Oui, nous sommes entrés résolument dans la lutte anticléricale ; je l’ai dit et la majorité républicaine m’ a acclamé quand j’ai tenu ce langage. Oui, nous avons voulu la lutte anticléricale, mais la lutte antireligieuse, jamais, jamais.[1]»

La « question laïque » est fondamentalement liée à l’institution même de la République et à sa pérennité. C’est ce que développe très nettement Jules Ferry dans son discours du 23 décembre 1880 à la Chambre des députés : « Il importe à la sécurité de l’avenir que la direction des écoles et la déclaration des doctrines qui s’y enseignent n’appartiennent pas aux prélats qui ont déclaré que


[1]. Discours de Jules Ferry au Sénat le 10 juin 1881.

Claude Lelièvre

Historien, Professeur honoraire d’histoire de l’éducation à la Faculté des Sciences humaines et sociales, Sorbonne - Paris V

Notes

[1]. Discours de Jules Ferry au Sénat le 10 juin 1881.