Le mot « race » : un débat français ?
Les deux articles d’Éric Fassin, et la réponse de mon collègue Alain Policar, apportent intelligence et lucidité sur un sujet difficile, et un débat pénible, une intelligence que l’on peine à voir dans le traitement polémique de l’hebdomadaire Marianne, ni malheureusement dans quelques articles sur ces sujets parus dans l’Obs. Pour une Anglaise, il n’est pas toujours facile de comprendre cette lutte – plutôt qu’un « débat » –autour du mot « race » qui semble spécifiquement française. Néanmoins, les idées et textes américains (et parfois anglais) font partie du champ de bataille et j’espère que cette intervention, motivée par la critique de Fassin par Policar, pourra être utile, même si elle manque de l’élégance et de la maitrise du contexte intellectuel français.

J’accorde à Policar que l’usage du concept d’intersectionnalité pose certaines difficultés pour penser les relations sociales. A ce sujet, il convient de prendre en compte le livre important, et toujours très actuel, d’Elizabeth Spelman, Inessential Woman, publié en 1990. Comme le démontre Spelman, les idées à propos du genre sont remplies de présupposés raciaux et de classes. C’est la raison pour laquelle Sojourner Truth a dû demander dans les débats autour du suffrage des femmes à Akron (Ohio) en 1851 « and ain’t I a woman ? » (et ne suis-je pas une femme ?). Ainsi, il est évident que nous ne pouvons considérer l’intersectionnalité comme le chevauchement des clivages « purs » de race, de classe, de genre, etc.
Ce n’est de toute façon pas nécessaire. Au contraire, Kimberlé Crenshaw a développé le concept d’intersectionnalité pour lutter contre ce type de conceptions des clivages sociaux, de leurs effets, et aborder la manière dont nous devrions les affronter. Elle s’oppose ainsi aux interprétations des lois contre la discrimination qui ne protégeaient les femmes noires du sexisme que dans la mesure où ses formes et ses effets étaient identiques à ce que subissaient les femmes blanches. Et qui ne les proté