L’interprétation, un accès nécessaire à la démocratie
Les différentes formes de populisme ont en commun une représentation du peuple que l’on qualifie d’holistique : le peuple serait un corps unique et unifié, un corps dont l’unité autoriserait un représentant à parler en son nom. Celui qui s’arroge ce droit exorbitant, parler au nom du peuple, affirme que son discours ainsi fondé ne peut être que vrai et que seuls s’y opposent ceux qui s’en sont exclus : ils ne sont pas le vrai peuple ! Double gain : confirmation de l’unité du corps et désignation de son ennemi. Il faut à tout populiste un ennemi déclaré. Ce sera l’élite, sans que l’on sache très bien de qui il s’agit : les tenants du pouvoir (économique ou politique) et du savoir, selon les nécessités du moment. Ainsi, celui qui tient ce discours ne conçoit pas d’autre légitimité que la sienne.
Il est en cela le complice de tous ceux qui au cours des années soixante dix ont déclaré qu’il n’y avait aucune alternative à la politique qu’ils menaient. Ce fut la création d’un personnage : TINA, « there is no alternative » ! Dans les deux cas, la vérité est verrouillée, elle s’affirme par son univocité. Le « vrai » peuple ou « TINA » se rejoignent par leur caractère exclusif. Le démagogue qui prétend parler au nom du peuple parle en fait à sa place, tout en ne laissant à son discours autoritaire aucune alternative. L’unité n’a qu’une voix possible.
Ces positions plus ou moins habilement défendues, outre leur longue histoire politique et philosophique, ont leur traduction dans le champ de la culture. Quand on a passé une partie de sa vie à se voir reprocher de défendre une culture élitaire et d’ignorer ou de mépriser l’autre, la populaire, on ne peut que prendre au sérieux l’atteinte à la démocratie que cette opposition artificielle (mal nommée, donc déplacée et irréconciliable) véhicule. Car ce qui se dit dans ces discours est au fond assez simple : il n’y a qu’une vraie culture, celle qui s’adresse à tous, celle qui est immédiatement accessible, celle devant l