Contre le populisme, la Présence
Lorsque Tadeusz Kantor répondait au président Jaruzelski qui lui demandait à quoi pouvait bien servir son théâtre, « à rien, Monsieur le Président, comme l’amour ! », il dévoilait avec ironie l’objet d’une profonde méditation.
Le théâtre et l’amour ont plusieurs points de rencontre dont le majeur et le plus secret serait à mes yeux la concordance de la Présence et de la disparition. Mais il en est un autre que je crois nécessaire au premier que je nomme le récit. L’hypothèse, dont je ne prétends pas faire une vérité, consiste à postuler que l’amour est indissociable du récit de l’amour, non pas du dire de son émotion, mais surtout du récit, (de la fiction), par lequel le « Je » amoureux tente de construire l’autre dans sa complétude. C’est une expérience tragique bien sûr, puisque cet effort creuse l’écart qui me sépare de celle (ou de celui) que j’aime : l’élan vers la connaissance de l’autre me dit d’abord et continument ce qui m’en sépare.
La puissance du désir s’acte dans cet éloignement qui se tient pourtant au plus proche. L’amour constitue l’autre comme un personnage réfractaire à toute possession. Il arrive que l’aimé(e) dont le corps est si proche, soudain s’absente : ce moment de disparition est le moment de la Présence. Il, elle, n’est plus là, mais il se présente à une vastitude autre qui, en m’échappant, la révèle comme une épiphanie. L’amour comme interprétation de l’autre ?
De cette étrange expérience qui fait de la Présence le moment fugitif de la disparition, je ne sais si du théâtre ou de l’amour, je me dois de la reconnaître. Lorsque l’acteur entre en scène à visage découvert, il porte le personnage qu’il a pour mission d’incarner, du moins, le croit-on. (Je dis à visage découvert, car je résiste à parler de personnage tant que l’acteur, comme dans le théâtre grec, avance couvert de son masque. Persona en latin signifie masque. Ainsi, un acteur qui s’avance masqué ne serait donc… personne. La personne telle que nous l’entendons de