Politique

Deux mythes nationalistes bloquent notre réflexion sur l’identité française

Sociologue

Au fur et à mesure que les nations se racontent, des mythes hors-sol en dessinent les contours, s’érigeant en frontières tant symboliques que tangibles, tant culturelles que géographiques. En France, deux mythes, l’un de droite, l’autre de gauche, empêchent de penser le pluriel, la diversité, le métissage, ainsi que les discriminations.

Toute société a ses mythes fondateurs, parfois aussi son roman national c’est-à-dire l’histoire de ses origines qu’elle se raconte à elle-même en mettant en exergue des éléments qui la caractériseraient de façon consubstantielle, de façon à donner à ses membres un imaginaire commun qui transcende leurs différences culturelles, politiques et sociales. Mais ces mythes peuvent être en décalage très important avec la réalité, voire totalement faux. En France, tous les débats sur l’immigration, l’islam, la laïcité ou encore le multiculturalisme sont ainsi faussés en partie ou en totalité par le poids de deux très vieux mythes devenus aussi des idéologies politiques, l’une qui structure plutôt la droite autour du mythe de la « Nation » et/ou de la « Civilisation », l’autre – moins connue – qui structure plutôt la gauche autour du mythe de la laïcité républicaine.

Les icônes nationalistes : l’exemple de Vercingétorix

Pierre Sautarel, fondateur du site « Fdesouche », leader de la « fachosphère », porte un médaillon représentant Vercingétorix autour du cou. Son site a pour symbole un coq stylisé avec, en arrière-plan, une statue de Jeanne d’Arc en prière. Dans son livre Destin français (2018), Éric Zemmour se souvient avec nostalgie du programme scolaire d’histoire grâce auquel il « avait encore comme ancêtres les Gaulois », tandis que son père « bénissait cette filiation en se précipitant à la librairie pour acquérir chaque nouvel épisode d’Astérix ». Telle est la carte postale qui constitue l’imaginaire simplet du bon petit nationaliste français. L’histoire n’a pourtant rien à voir avec ce folklore enfantin.

Vercingétorix et la Gaule étaient à peu près inconnus en France avant le XIXe siècle. Ils constituent une réinvention nationaliste qui découle de la légende post-révolutionnaire ayant remplacé la légende monarchique précédente. Le nationalisme le plus actif en ce sens fut bien le nationalisme républicain revanchard de la Troisième République. Ce sont les historiens


Laurent Mucchielli

Sociologue , Directeur de recherche au CNRS