Entre l’État et le Commun : le service public – mi-temps de la crise 2/3
C’est mon second point annoncé (lire ici le premier volet de cet article). Il s’agit ici de décrire ce qui m’apparaît de plus en plus comme une dimension stratégique de notre expérience de la crise, dont la discussion ne peut qu’avoir de grandes conséquences sur l’appareil théorique au moyen duquel nous analyserons les conflits, les alternatives dont se tissera « le politique » dans la période qu’ouvre la crise (en particulier notre conception de l’État et de son rapport à la société). Je vois en effet cette période, hypothétiquement, comme une longue phase de transition, dont nous pouvons observer aujourd’hui les conditions de départ, mais dont le cours à venir est imprévisible.

C’est ce qui fait que j’attache autant d’importance à identifier dans la conjoncture (comme disait Foucault) des « points d’adversité » et des « points d’hérésie » symptomatiques que le développement de la pandémie et de ses conséquences sociales fait peu à peu venir au jour. Le premier symptôme à relever est ce que j’appellerai la crise dans la crise : c’est le fait que les services publics – à commencer par la santé publique, mais ce n’est pas le seul en cause – sont apparus plus que jamais (ou sont réapparus) comme d’essentielles conditions de notre survie individuelle et collective, ou des relations mêmes que nous nouons entre nous pour continuer à vivre « humainement ». Mais dans le même temps, ils se sont avérés des institutions instables, pleines de contradictions, dont le fonctionnement relève de logiques incompatibles entre elles.
Or ces logiques ne sont pas purement techniques ou administratives, ce sont des logiques politiques au sens plein du terme, qui divisent leurs défenseurs et leurs porteurs : logique de l’action publique dont le sujet est l’État, du financement par ses caisses à la gestion par ses représentants, de la protection des individus par l’État « Léviathan » et par conséquent aussi du contrôle disciplinaire exercé par son administration sur leurs conduites ; ou