Ecologie

Coronavirus, enfin une apocalypse tangible

Sociologue

La pandémie a entraîné dans le monde entier une vague de panique, et suscité une réorganisation profonde des modes de vie à l’échelle individuelle et étatique. C’est beaucoup plus que le changement climatique qui, malgré son imminence et ses conséquences concrètes, peine à mobiliser autant les citoyens. Pourtant, on peut établir un lien entre ces deux menaces, et espérer que la prise de conscience collective liée au virus aura des répercussions sur la conscience écologique.

La réaction générale face au Covid-19 semble être à double tranchant. D’un côté, l’état d’exception continue à générer peur, panique et angoisse, chacune ayant ses spécificités. De l’autre, pour bien des gens, et aussi bizarre que cela puisse paraître, la peur semble aller main dans la main avec un sentiment de soulagement. Si ce constat est juste, et même s’il faut s’attendre à ce que le sentiment de soulagement passe dès lors que la crise s’aggravera, quelles pourraient être les raisons de cette ambivalence émotionnelle marquée ?

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Mon hypothèse est que l’on peut expliquer cette dualité psychologique générale si nous admettons que les réactions au nouveau coronavirus sont liées à l’impuissance de nos sociétés face à une autre catastrophe civilisationnelle : le réchauffement climatique.

Comme l’ont déjà relevé nombre de commentateurs, l’immense panique et la promptitude à agir, suscitées par le virus chez les citoyens comme au sein de l’État, font plonger les réactions face au changement climatique dans un flou artistique. Évidemment, c’est là que réside le paradoxe : même si le virus est une tragédie importante, les conséquences gigantesques des mutations climatiques vont, selon toute probabilité, dépasser de loin celles du virus.

Les émotions engendrées par notre totale impuissance face au changement climatique se reportent sur le virus concret.

Les actions menées contre le virus sont bien entendu nécessaires, mais nous sommes encore en train de réaliser l’immense et paradoxale distance entre nos actions et leurs conséquences. Les citoyens et les chercheurs en sciences sociales pourraient peut-être expliquer cet écart par une analyse des relations qui existent entre affects et idées abstraites. L’argument consisterait à dire que c’est le caractère abstrait du changement climatique qui fait qu’il n’entraîne ni affects ni actions, là où le virus, bel et bien concret, affecte les gens et engendre des actions. Autrement dit, deux phénomènes différents ayan


[1] Karl Polanyi, The Great Transformation, Boston, Beacon Press, 1944. Voir en particulier la partie 2 « Self-Protection of Society », pp. 136-228.

[2] Voir Rupert Neate, « Super-rich jet off to disaster bunkers amid coronavirus outbreak », The Guardian, 11 mars 2020, et Edward Helmore, « Coronavirus lifestyles of the rich and famous: how the 1% are coping », The Guardian, 13 mars 2020.

 

Nikolaj Schultz

Sociologue, Doctorant

Rayonnages

Écologie

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Karl Polanyi, The Great Transformation, Boston, Beacon Press, 1944. Voir en particulier la partie 2 « Self-Protection of Society », pp. 136-228.

[2] Voir Rupert Neate, « Super-rich jet off to disaster bunkers amid coronavirus outbreak », The Guardian, 11 mars 2020, et Edward Helmore, « Coronavirus lifestyles of the rich and famous: how the 1% are coping », The Guardian, 13 mars 2020.