Coronavirus, enfin une apocalypse tangible
La réaction générale face au Covid-19 semble être à double tranchant. D’un côté, l’état d’exception continue à générer peur, panique et angoisse, chacune ayant ses spécificités. De l’autre, pour bien des gens, et aussi bizarre que cela puisse paraître, la peur semble aller main dans la main avec un sentiment de soulagement. Si ce constat est juste, et même s’il faut s’attendre à ce que le sentiment de soulagement passe dès lors que la crise s’aggravera, quelles pourraient être les raisons de cette ambivalence émotionnelle marquée ?
Mon hypothèse est que l’on peut expliquer cette dualité psychologique générale si nous admettons que les réactions au nouveau coronavirus sont liées à l’impuissance de nos sociétés face à une autre catastrophe civilisationnelle : le réchauffement climatique.
Comme l’ont déjà relevé nombre de commentateurs, l’immense panique et la promptitude à agir, suscitées par le virus chez les citoyens comme au sein de l’État, font plonger les réactions face au changement climatique dans un flou artistique. Évidemment, c’est là que réside le paradoxe : même si le virus est une tragédie importante, les conséquences gigantesques des mutations climatiques vont, selon toute probabilité, dépasser de loin celles du virus.
Les émotions engendrées par notre totale impuissance face au changement climatique se reportent sur le virus concret.
Les actions menées contre le virus sont bien entendu nécessaires, mais nous sommes encore en train de réaliser l’immense et paradoxale distance entre nos actions et leurs conséquences. Les citoyens et les chercheurs en sciences sociales pourraient peut-être expliquer cet écart par une analyse des relations qui existent entre affects et idées abstraites. L’argument consisterait à dire que c’est le caractère abstrait du changement climatique qui fait qu’il n’entraîne ni affects ni actions, là où le virus, bel et bien concret, affecte les gens et engendre des actions. Autrement dit, deux phénomènes différents ayan