Politique

État social et sûreté des citoyens

Philosophe

« Nous sommes en guerre » a déclaré Emmanuel Macron au moment où l’épidémie débutait en France. Mais qui est ce « nous » ? Cette union collective semble être bien superficielle, dans un moment où justement les pratiques du pouvoir créent une dé-démocratisation, une déresponsabilisation des citoyens. Sans passer par un « nous » de façade, le moment est peut-être venu de redonner du sens à la délibération publique, et à la puissance du collectif.

La situation actuelle, avec son effet de sidération, engage à réfléchir en essayant de se parer contre deux risques : la prédiction des meilleures solutions… a posteriori, et son interprétation pour confirmer ce que l’on croyait savoir déjà. Je ne garantis pas par avance de parvenir à y échapper. Je m’essaie, sous le risque de voir invalider ce que je vais dire d’ici quelques jours, à quelques questions et hypothèses, sans prétendre à l’analyse vraie de la situation concrète.

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Cette ambition ne peut être que collective. La mise en circulation de textes différents voire divergents en est une condition nécessaire. Il y manque un moment essentiel : celui de la délibération publique, de la mise en œuvre d’une puissance du collectif.

1. Je ne voudrais pas commencer par une considération générale éthique à connotation ontologique sur le « retour de la grande faucheuse oubliée par “notre” civilisation ». La colère, l’indignation, avant la crainte anthropologique de la mort, doivent être comprises en situation historique et sociale ou socio-politique. Je suis donc contraint de raisonner en situation, c’est-à-dire en France en 2020. Un élargissement serait nécessaire : cette crise engage à reprendre ce que « humanité » veut dire en termes d’exigences éthiques et politiques. Je n’ai pas la place de le faire ici.

L’attente ou la demande adressée à l’État aujourd’hui ne peut pas s’interpréter en termes généraux : elle ne porte pas sur le maintien de la vie à tout quel prix, fût-ce à celui de la mort. Il faut la situer dans la réalité sociale et l’expérience collective qui s’est consolidée depuis au moins 70 ans. Pour le dire d’un mot, c’est à un État social ou « national social » (Balibar) que l’opinion s’adresse. C’est son constat de faillite relative qui est dressé.

On ne demande pas à l’État de prendre les « bonnes » décisions à notre place, mais de ne pas nous priver des moyens de les prendre.

Un petit détour historien s’impose. Le schème de la nation moderne s’in


Gérard Bras

Philosophe, Directeur de programme au Collège International de Philosophie et président de l'Université populaire des Hauts-de-Seine

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