État social et sûreté des citoyens
La situation actuelle, avec son effet de sidération, engage à réfléchir en essayant de se parer contre deux risques : la prédiction des meilleures solutions… a posteriori, et son interprétation pour confirmer ce que l’on croyait savoir déjà. Je ne garantis pas par avance de parvenir à y échapper. Je m’essaie, sous le risque de voir invalider ce que je vais dire d’ici quelques jours, à quelques questions et hypothèses, sans prétendre à l’analyse vraie de la situation concrète.
Cette ambition ne peut être que collective. La mise en circulation de textes différents voire divergents en est une condition nécessaire. Il y manque un moment essentiel : celui de la délibération publique, de la mise en œuvre d’une puissance du collectif.
1. Je ne voudrais pas commencer par une considération générale éthique à connotation ontologique sur le « retour de la grande faucheuse oubliée par “notre” civilisation ». La colère, l’indignation, avant la crainte anthropologique de la mort, doivent être comprises en situation historique et sociale ou socio-politique. Je suis donc contraint de raisonner en situation, c’est-à-dire en France en 2020. Un élargissement serait nécessaire : cette crise engage à reprendre ce que « humanité » veut dire en termes d’exigences éthiques et politiques. Je n’ai pas la place de le faire ici.
L’attente ou la demande adressée à l’État aujourd’hui ne peut pas s’interpréter en termes généraux : elle ne porte pas sur le maintien de la vie à tout quel prix, fût-ce à celui de la mort. Il faut la situer dans la réalité sociale et l’expérience collective qui s’est consolidée depuis au moins 70 ans. Pour le dire d’un mot, c’est à un État social ou « national social » (Balibar) que l’opinion s’adresse. C’est son constat de faillite relative qui est dressé.
On ne demande pas à l’État de prendre les « bonnes » décisions à notre place, mais de ne pas nous priver des moyens de les prendre.
Un petit détour historien s’impose. Le schème de la nation moderne s’in