La fabrique du dénigrement – sur le postcolonial (1/3)
Après une première réponse « à chaud » face aux attaques publiées par L’Express, nous nous sommes donné du temps (dix mois) pour répondre ici plus particulièrement à la tribune coordonnée par Pierre-André Taguieff. Elle témoigne selon nous d’une polarisation extrême et inquiétante du débat public sur les questions (post)coloniales, entre les idéologues ultra-républicains et les activistes radicaux « décoloniaux ».

Nous aurions souhaité pouvoir aussi répondre aux lecteurs de L’Express… mais la direction de l’hebdomadaire n’a pas voulu autoriser un droit de réponse dans ses colonnes et/ou sur son site web, malgré plusieurs demandes de notre part. Enfin, le débat actuel dans la société française autour du passé colonial (discours présidentiel, déboulonnage des statues, référendum en Nouvelle-Calédonie, soirée spéciale « Décolonisations » sur France 2 le 6 octobre 2020…) donne une certaine actualité à ces débats et enjeux.
Engagés depuis longtemps dans les collaborations universitaires internationales, nous devons d’abord souligner la surprise de nos collègues étrangers devant les polémiques déclenchées en France autour des postcolonial studies, dont le caractère surréaliste est souligné par les attaques portées par la tribune signée par Pierre-André Taguieff, Laurent Bouvet et quatre cosignataires, publiée sur le site web de L’Express le 26 décembre 2019 et annoncée deux jours plus tôt par un article d’Amandine Hirou intitulé « Les obsédés de la race noyautent le CNRS ». Les deux textes participant d’une attaque en règle et de concert contre les études postcoloniales, plusieurs chercheurs et des travaux universitaires, jusqu’à annoncer en bandeau de couverture (et sur les devantures de kiosques) cette campagne de dénigrement. Si l’article tronque la réalité, la tribune est d’une violence extrême bien loin des règles scientifiques.
Autant dire que ce type de tribune, qui dénigre aussi violemment des collègues et diabolise des recherches menées depuis plus de trente a