International

Manifestations au Sénégal : une désobéissance créatrice ?

Écrivain

Le Sénégal s’est embrasé début mars après l’arrestation d’Ousmane Sonko, chef de file de l’opposition au président Macky Sall. Dakar présente aujourd’hui toutes les conditions historiques pour héberger bientôt une coordination panafricaine du refus de l’iniquité, et la France devra se positionner et montrer si elle est prête à envoyer un signal de rupture avec le passé. C’est en tout cas l’occasion pour l’Afrique Subsaharienne de rompre le glacis de la soumission à la fatalité et de faire voie à la désobéissance créatrice.

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Longue est la liste des femmes et des hommes qui se dressèrent naguère pour défendre la dignité des peuples d’Afrique piétinés par un mépris séculaire et ce depuis les traites esclavagistes, arabes et européennes, au prix souvent de leur vie. Si la postérité a certes retenu certains noms, maints ont sombré toutefois dans l’abîme de l’anonymat. C’est à cette légion mixte bardée de courage, voire même de témérité, que je pense au seuil de ce texte, car c’est sur leur mémoire insigne que mes mots vont prendre appui. Il en faut de la témérité pour refuser de courber l’échine plus longtemps et cesser un beau jour d’obtempérer aux injonctions pressantes de l’iniquité.

De fait, ramper n’est guère le propre du Bipède à cerveau volumineux. Puisque, selon une charte africaine du réel, il est la véritable fin de la création marchant dorénavant sur ses propres jambes. Dans cette perspective, c’est un être libre dont le premier devoir est de s’élever de l’état brut où il est procréé à une véritable condition d’homme/de femme ayant part à l’intellect du monde d’en haut, lequel est une totalité lumineuse. Et ce grâce au sacrifice qui lui permet de rompre l’enchaînement déterminé des causes et des effets.

La clique des Remplaçants

Nous avons octroyé l’Indépendance à ceux qui n’en voulaient pas : ainsi s’exprime sans détour et au crépuscule de ses jours alors rendu Pierre Messmer [1], homme-lige des visées en Afrique du général de Gaulle. S’agissant en l’occurrence des PAZF [Pays africains de la zone franc, ndlr], cet édifiant aveu vaut à postériori son pesant de conséquences sur la suite de l’imposture historique ainsi orchestrée. Il jette sur six décennies une lumière aveuglante. Comme quoi, le gaullisme tenait aux confettis de l’Empire et ne voulait pas du tout lâcher prise, après le retentissant « Non ! » de la Guinée au référendum du 28 septembre 1958.

Le grand Charles du 18 juin 1940 et les siens n’entendaient pas souffrir un camouflet supplémentaire et torpillèrent


[1] Voir le documentaire de Valérie Osouf et de Gaëlle Le Roy, Cameroun, autopsie d’une indépendance, 2008.

[2] Économiste et théoricien séminal de l’échange inégal, soucieux de ne pas se payer de mots à Paris, Osende Afana va monter sans appui un maquis au Cameroun, contre l’avis de ses camarades upécistes. Trahi, il tombe dans une embuscade et sous les balles d’une escouade militaire lancée sur ses traces, le 15 mars 1966.

[3] Amilcar Cabral est le père de l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry.

[4] Aline Sitoé Diatta est une héroïne de la résistance casamançaise à la colonisation française. Ayant pris la tête d’un mouvement de désobéissance civile, elle est arrêtée, puis déportée à Tombouctou et y meurt en 1944, à 24 ans.

[5] C’est par cette métaphore qu’Édouard Glissant désigne le Passage du Milieu et la fêlure caribéenne.

[6] Monarque malien, Mansa Moussa part pour l’Arabie en 1324 avec une suite comprenant pas moins de 60 000 hommes, 12 000 serviteurs et esclaves. Les 80 dromadaires de la caravane portent, selon certains chroniqueurs, entre 50 et 300 livres d’or en poudre chacun. Sa largesse et cette munificence entraînent une dévaluation du métal jaune…

[7] Ainsi du Camerounais Félix-Roland Moumié, assassiné à Genève le 3 novembre 1960, sous les auspices du SDECE [Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, ndlr].

[8] Activiste politique sénégalais frayant avec les situationnistes, Omar Blondin Diop est mort en prison sur l’île de Gorée, le 11 mai 1973, à 26 ans, dans des circonstances troubles. L’artiste belge Vincent Meessen mène au long cours un travail remarquable sur la mémoire de cette figure solaire de l’intelligentsia africaine de la post-indépendance.

Lionel Manga

Écrivain

Notes

[1] Voir le documentaire de Valérie Osouf et de Gaëlle Le Roy, Cameroun, autopsie d’une indépendance, 2008.

[2] Économiste et théoricien séminal de l’échange inégal, soucieux de ne pas se payer de mots à Paris, Osende Afana va monter sans appui un maquis au Cameroun, contre l’avis de ses camarades upécistes. Trahi, il tombe dans une embuscade et sous les balles d’une escouade militaire lancée sur ses traces, le 15 mars 1966.

[3] Amilcar Cabral est le père de l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry.

[4] Aline Sitoé Diatta est une héroïne de la résistance casamançaise à la colonisation française. Ayant pris la tête d’un mouvement de désobéissance civile, elle est arrêtée, puis déportée à Tombouctou et y meurt en 1944, à 24 ans.

[5] C’est par cette métaphore qu’Édouard Glissant désigne le Passage du Milieu et la fêlure caribéenne.

[6] Monarque malien, Mansa Moussa part pour l’Arabie en 1324 avec une suite comprenant pas moins de 60 000 hommes, 12 000 serviteurs et esclaves. Les 80 dromadaires de la caravane portent, selon certains chroniqueurs, entre 50 et 300 livres d’or en poudre chacun. Sa largesse et cette munificence entraînent une dévaluation du métal jaune…

[7] Ainsi du Camerounais Félix-Roland Moumié, assassiné à Genève le 3 novembre 1960, sous les auspices du SDECE [Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, ndlr].

[8] Activiste politique sénégalais frayant avec les situationnistes, Omar Blondin Diop est mort en prison sur l’île de Gorée, le 11 mai 1973, à 26 ans, dans des circonstances troubles. L’artiste belge Vincent Meessen mène au long cours un travail remarquable sur la mémoire de cette figure solaire de l’intelligentsia africaine de la post-indépendance.