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Le Brésil en route vers une nouvelle dictature militaire ?

Sociologue, Économiste

Les manifestations en faveur de Jair Bolsonaro se succèdent weekend après weekend, dans lesquelles on voit fleurir les pancartes réclamant une intervention militaire. Ce qui fait craindre à certain l’un de ces coups d’État qui tissent l’histoire récente du Brésil, dans le but de maintenir au pouvoir l’extrême droite. Quel que soit l’avenir, la présidence Bolsonaro semble bien avoir parachevé l’installation pérenne des forces martiales au sein de l’appareil étatique.

O que faremos com os militares? (« Que ferons-nous avec les militaires ? »), demandait en 1985 le politologue Eurício Figueiredo [1] tandis que le Brésil entamait un processus de démocratisation après une dictature militaire installée 21 ans plus tôt par un coup d’État.

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Deux possibilités s’offraient alors selon l’auteur : soit un État contrôlé par une autorité civile avec une faible probabilité qu’un coup d’État militaire se produise ; soit un gouvernement civil tenu sous contrôle par des militaires dont la présence serait plus ou moins visible au sein des institutions politiques, à l’instar du Chili de Pinochet, de l’Espagne de Franco ou encore du Portugal de Salazar.

La ligne de partage entre l’un ou l’autre scénario dépendait de la capacité de la société civile brésilienne à créer des mécanismes susceptibles de maintenir l’institution militaire à distance du gouvernement, notamment par la mise en place d’instruments lui assurant le contrôle de l’État, tels que des partis politiques solides et représentatifs, des syndicats affranchis de leur enracinement fasciste et des assemblées législatives actives et compétentes.

La question demeure d’actualité, alors que le Brésil est dirigé depuis 2019 par un président démocratiquement élu au suffrage universel direct, ancien capitaine de l’armée de terre – réformé après avoir tenté d’organiser au sein de casernes de l’État de Rio de Janeiro un mouvement de protestation contre le montant jugé insuffisant des traitements versés aux militaires –, et dont le vice-président, Antônio Hamilton Martins Mourão, est général de réserve. Sans compter que le premier gouvernement monté par le Président Jair Bolsonaro comptait dans ses rangs huit militaires sur un total de vingt-deux ministres.

Les Forces armées brésiliennes : acteur pérenne de la vie politique nationale

La question soulevée par Eurício Figueiredo est plus que légitime au regard de l’histoire bicentenaire de la nation brésilienne qui, depuis son indépendance du


[1] Eurício Figueiredo, « O que faremos com os militares? », Lua Nova: Revista de cultura e política, vol. 1, n°4, mars 1985, p. 23 à 24.

[2] La période de dictature militaire (1964-1985) correspond à la 5ème République et se termine par l’élection au suffrage indirect d’un civil.

[3] « Les années de plomb » (“anos de chumbo”) entre 1967 et 1974 correspondent à la victoire du second groupe qui a provisoirement évincé le premier.

[4] Opposante politique à la dictature militaire, Dilma Rousseff avait été victime de tortures et privée de ses droits politiques pendant 10 ans.

[5] La CNV mentionne le nom de 377 agents de l’Etat, civils et militaires, auteurs de tels actes – la plupart décédés –,  avec une brève description des crimes qui leur sont reprochés.

[6] Francisco César Alves Ferraz loue l’efficacité de l’action politique des Forces armées pendant les débats de l’Assemblée constituante : elles ont réussi à faire adopter leurs principales demandes, à savoir : mission de sécurité publique, service militaire obligatoire, attribution de certains ministères aux forces armées, rôle de la justice militaire et subordination des polices militaires des états à l’Armée de terre. Voir Francisco César Alves Ferraz, « Relações entre civis e militares no Brasil: um esboço histórico », História & Ensino, Londrina, v4,  p.115-137,  out. 1998

[7] Interview de Jair Bolsonaro au journal National de la chaine Globo du 2 janvier 2019 au cours de laquelle il fait référence à une visite de courtoisie au général Villas Bôas du 6 novembre 2018, juste après son élection.

[8] Le chef de la Casa Civil, sorte de chef du gouvernement, le secrétaire du gouvernement, les ministres des sciences, des Mines et de l’énergie, des infrastructures, de la santé ou encore le très sensible cabinet de Sécurité Institutionnelle (GSI) ayant sous tutelle les services secrets du pays.

[9] Comme le vice-président de la cour des comptes brésilienne (TCU), Bruno Dantas.

[10] Sans préciser l’évolution du nombre to

Christine Jacquet

Sociologue, Professeure de sociologie à l’Université Fédérale du Sergipe (UFS)

Julien Dourgnon

Économiste

Notes

[1] Eurício Figueiredo, « O que faremos com os militares? », Lua Nova: Revista de cultura e política, vol. 1, n°4, mars 1985, p. 23 à 24.

[2] La période de dictature militaire (1964-1985) correspond à la 5ème République et se termine par l’élection au suffrage indirect d’un civil.

[3] « Les années de plomb » (“anos de chumbo”) entre 1967 et 1974 correspondent à la victoire du second groupe qui a provisoirement évincé le premier.

[4] Opposante politique à la dictature militaire, Dilma Rousseff avait été victime de tortures et privée de ses droits politiques pendant 10 ans.

[5] La CNV mentionne le nom de 377 agents de l’Etat, civils et militaires, auteurs de tels actes – la plupart décédés –,  avec une brève description des crimes qui leur sont reprochés.

[6] Francisco César Alves Ferraz loue l’efficacité de l’action politique des Forces armées pendant les débats de l’Assemblée constituante : elles ont réussi à faire adopter leurs principales demandes, à savoir : mission de sécurité publique, service militaire obligatoire, attribution de certains ministères aux forces armées, rôle de la justice militaire et subordination des polices militaires des états à l’Armée de terre. Voir Francisco César Alves Ferraz, « Relações entre civis e militares no Brasil: um esboço histórico », História & Ensino, Londrina, v4,  p.115-137,  out. 1998

[7] Interview de Jair Bolsonaro au journal National de la chaine Globo du 2 janvier 2019 au cours de laquelle il fait référence à une visite de courtoisie au général Villas Bôas du 6 novembre 2018, juste après son élection.

[8] Le chef de la Casa Civil, sorte de chef du gouvernement, le secrétaire du gouvernement, les ministres des sciences, des Mines et de l’énergie, des infrastructures, de la santé ou encore le très sensible cabinet de Sécurité Institutionnelle (GSI) ayant sous tutelle les services secrets du pays.

[9] Comme le vice-président de la cour des comptes brésilienne (TCU), Bruno Dantas.

[10] Sans préciser l’évolution du nombre to