Rediffusion

Who’s afraid of the postcolonial ? L’histoire de l’art comme bastion

Historienne de l'art contemporain

Les études culturelles et postcoloniales, qui font tant polémiques aujourd’hui, sont convoquées depuis les années 50 par l’histoire de l’art, qui y trouve un nouvel appareil critique lui permettant de se décloisonner. Ce mouvement est aussi initié par des expositions importantes comme la documenta de Kassel qui se tient tous les cinq ans depuis 1955. Par sa transdisciplinarité, la manifestation permet aux questions de société et de politique, à l’histoire des idées et aux pensées postcoloniales de faire corps avec les pratiques artistiques. Rien dans cette histoire ne devrait être envisagé comme menaçant.

Certaines pensées sont nécessaires car elles permettent de mettre des mots clairs sur des désaccords que l’on tourne dans son esprit sans toujours arriver à comprendre pourquoi ils surgissent ou ressurgissent, parfois brutalement, décennie après décennie. Ces désaccords sont souvent idéologiques mais s’appuient la plupart du temps sur des malentendus et surtout sur la méconnaissance de certains champs, considérés à tort comme pouvant menacer les assises sur lesquelles on repose.

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Parmi ces pensées nécessaires, il y a celle de Paul Gilroy. La lecture de Mélancolie postcoloniale écrit par le sociologue britannique aux lendemains du 11 septembre 2001 et qui vient de paraître dans une belle traduction française vibre, seize ans après sa publication, au son d’une repoussante actualité politique.

On est en 2004 et dans son introduction intitulée « Vivre avec la différence » il écrit : « Aujourd’hui, toute attitude d’ouverture envers l’altérité semble démodée, irénique et pittoresquement ethnocentrique. Notre incapacité à conceptualiser les relations multiculturelles et postcoloniales autrement que comme un risque et un danger nous rend cruellement conscients des limites du rêve cosmopolite du XXe siècle. Sans parler des difficultés à produire une vision planétaire qui ne soit pas simplement un maquillage universaliste trompeur de ces aspirations mises au service d’un nouveau particularisme impérialiste. »

Quelques lignes plus loin, il évoque le socialisme et le féminisme, leur existence sans patrie et leur rôle fédérateur dans la création « de nouveaux réseaux d’interconnexion et de solidarité susceptibles de trouver un écho au-delà des frontières » dans un espoir qu’il dit dorénavant « évanoui ». Il affirme aussi que « ce déclin de la solidarité n’est pas sans rapport avec un certain manque d’ambition des sciences humaines, voire avec les effets négatifs de leur réticence à se transformer en sciences critiques de l’inhumanité ».

En 2019, Gilroy a reçu le prestig


Elvan Zabunyan

Historienne de l'art contemporain, Professeure à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et critique d’art