Les manifestations contre le « pass sanitaire » comme symptôme d’anomie politique
La répétition de cortèges réclamant chaque samedi le retrait de l’obligation de présenter un « pass sanitaire » dans certaines circonstances de la vie quotidienne appartient à une forme d’action politique d’un genre nouveau : la protestation hybride et récurrente. Hybride parce que si elle prend la forme traditionnelle de la manifestation, elle s’organise sans direction unique reconnue, n’est guidée par aucune stratégie de long terme, se déroule sans attendre l’accord formel des autorités et se réunit derrière un mot d’ordre auquel tout participant est libre de donner sa propre signification.

Quant à sa périodicité, elle reprend la méthode des 52 « actes » des Gilets jaunes de 2019. Mais on peut également dire qu’elle s’inspire des « marches du lundi » qui ont eu lieu en Allemagne de l’Est à partir de septembre 1989 et, en adressant un puissant « Nous sommes le peuple » aux dirigeants de l’époque, ont entraîné la chute du mur de Berlin trois mois plus tard ; ou des mouvements de rue qui ont conduit à l’insurrection civile de Tunis et du Caire de 2011 ; ou des défilés hebdomadaires qui, ces dernières années, ont exposé, au Maroc, en Algérie, à Hong Kong, au Chili, au Pérou, au Liban, au Belarus, en Birmanie ou en Bulgarie, l’illégitimité des pouvoirs en place et exigé leur départ immédiat. Sans parler des rassemblements d’échelle mondiale en soutien aux revendications de Black Lives Matter, #MeToo ou Fridays for Future.
Chaque samedi du mois d’août 2021, des publics dont les motivations n’ont pas grand chose en commun ont pris la rue un peu partout à travers la France. Certains pour dénoncer l’atteinte aux libertés individuelles et à la propriété de son corps ; d’autres pour refuser le gouvernement par la peur et la société de surveillance généralisée que les « élites » voudraient instaurer ; d’autres encore pour remettre en cause le bien fondé de la vaccination, la validité de la Science et la parole de ses « faux » experts ; d’autres enfin pour condamner