Africa 2020 : l’empire de la restitution
À la mémoire d’Okwui Enwezor (1963-2019)
Lors d’un colloque sur le thème désormais largement commenté de la restitution des objets d’art premier, ou comme l’on dit maintenant d’art « classique », aux pays africains, on a pu entendre des propos étonnants relatifs à l’« exil » que ces objets auraient connu, à la souffrance qui aurait résulté de leur séjour en « diaspora » et à la nécessité du retour au bercail de ces « enfants prodigues » afin qu’ils y retrouvent leur statut de « sujet » [1]. En somme, ce processus était conçu comme une sorte de contre-attaque artistique de ces objets envers l’ancien empire colonial coupable de les avoir « cannibalisés » ou enfermés dans des musées [2].

Le rapatriement d’objets africains volés sous la colonisation dans leurs pays d’origine est donc une thématique lourdement chargée d’affects puisqu’elle s’inscrit dans une problématique post ou décoloniale, dont on sait qu’elle inspire dorénavant une grande partie de l’art contemporain africain. Dans cette optique, les statues et les masques africains, à l’instar de certains sites naturels, seraient devenus des « sujets de droit » pouvant même dans certains cas bénéficier d’un « droit d’asile ».
Aussi ne faut-il pas s’étonner si le thème de la restitution était au centre de la très belle exposition « Retour », hébergée à Nantes [3] dans le cadre de la Saison Africa 2020. Huit artistes, dont sept sont Africains (dont un « Blanc ») et le huitième un Français de Nantes, présentaient ainsi des œuvres inspirées par la thématique de la restitution qui devient par elle-même, au-delà d’une exigence morale et politique, un puissant imaginaire artistique.
Mais indépendamment de son côté « politiquement correct », souligné par l’une des commissaires de l’exposition dans une vidéo de présentation, c’est l’émotion esthétique qui prévaut à la vue de certaines œuvres. Parmi celles-ci, signalons tout d’abord Homeless (2015) de l’Ivoirien Jemi Koko Bi, un bateau chargé de masques et de statue