Société

Y a-t-il encore un tabou de la fin de vie ?

Philosophe

Grande question de société ouverte, morale et politique, fréquemment au cœur du débat public, la fin de vie est également devenue un objet d’exposition médiatique. Les confessions sur leur propre fin de vie de personnalités publiques comme Axel Kahn et Bernard Tapie offrent les indices d’une nouvelle normativité du discours sur le sujet. Cette sur-exposition des « mourants remarquables » recycle une imagerie fort ancienne de l’art de mourir, pour l’adapter à une époque où la fin de vie est devenue une préoccupation sociale.

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Quand on évoque publiquement la question de la fin de vie, il est assez fréquent qu’on précise qu’il s’agit d’un sujet tabou, d’autant plus que notre société, dit-on, a des problèmes avec la mort, autre sujet tabou, l’un n’allant pas sans l’autre. Qu’il s’agisse d’un sujet délicat et grave est une évidence, qu’il soit en tant que tel tabou l’est beaucoup moins. Et l’on peut dire que le tabou a même été progressivement levé à partir de la fin du XXe siècle, lorsque, dans le prolongement de l’apparition des Unités de Soins Palliatifs, le débat entre les défenseurs de l’euthanasie et ceux des soins palliatifs, présentant deux versions antagoniques d’une même revendication pour une fin de vie digne, est venu « remettre la question de la mort et du mourant au cœur de la réflexion collective », comme le disait déjà l’Observatoire National de la fin de vie en 2011[1].

Le déplacement d’un tabou

Est tabou ce sur quoi l’on fait silence, non pas intentionnellement, mais parce que cela menace de remettre en cause le fondement caché de notre lien social et qu’en parler ferait déjà trembler celui-ci. Tel est le sacré, jusque dans les sociétés laïques : ce qui fonde en dernier ressort le sens même de notre vie commune.

Loin d’être un tabou parce qu’elle menacerait d’ébranler le caractère sacré de ce qui nous relie (le capital, la liberté individuelle, la jouissance, le phallo-centrisme… je vous laisse compléter la liste), la fin de vie est devenue une question de société ouverte, morale et politique, qui fait l’objet d’un débat public récurrent depuis plusieurs années, mais elle est aussi devenue un objet d’exposition médiatique : on ne s’intéresse plus seulement à la mort des célébrités mais de plus en plus à l’image que leur fin de vie renvoie d’elles et qu’elles-mêmes renvoient en parlant ouvertement de leur maladie incurable et de leur mort imminente, parfois choisie.

Le tabou n’est pas là où l’on croit. L’intérêt n’est pas de savoir si l’on a le droit ou non de parl


[1] Observatoire national de la fin de vie, rapport 2011 : « Fin de vie : un premier état des lieux », p. 26

Yves Cusset

Philosophe

Rayonnages

SociétéSanté

Mots-clés

Euthanasie

Notes

[1] Observatoire national de la fin de vie, rapport 2011 : « Fin de vie : un premier état des lieux », p. 26