De la responsabilité du monde universitaire face au racisme
Dans l’espace francophone occidental, que ce soit en France, en Belgique ou au Québec, adossée à une opinion publique qui lui est volontiers favorable, une partie de la communauté épistémique en sciences sociales et humaines s’estime menacée dans sa liberté académique. Déclinant l’indignation sous différentes expressions (péril à la cohésion sociale, dérives indigénistes, racisme inversé, wokisme, etc.), les atteintes présumées à la liberté d’expression académique tracent leur orbite autour d’un champ réduit de domaines de recherche dont le retard d’institutionnalisation dans le monde francophone est pourtant objectivement criant. Que ce soient les études critiques sur la race, les philosophies africana ou encore les théories décoloniales, postcoloniales ou sur le genre, ces champs de recherche sont tenus responsables d’introduire une fracture communautaire qui leur préexiste à l’évidence.

C’est généralement dans l’hostilité de leur écosystème institutionnel que de rares acteurs introduisent des enseignements, mènent des projets de recherche et proposent des outils cognitifs à leurs étudiants dans l’objectif de leur permettre de déchiffrer notre héritage humain collectif : celui d’un monde postcolonial. On assiste parallèlement à un autre phénomène, celui des enseignants qui s’emparent de ces théories pour s’autoriser à utiliser des termes qu’ils relativisent, qui heurtent, qui blessent, qui réveillent des traumatismes collectifs en réaffirmant l’actualité de l’imaginaire symbolique de la hiérarchie raciale. Des étudiants se révoltent. Les médias s’en emparent, ouvrent leurs pages aux messagers de ces discours réactionnaires. Avec une méconnaissance inouïe des prémisses épistémique qu’ils prétendent réfuter (une incompétence qui serait condamnée vigoureusement dans n’importe quel autre domaine de recherche conventionnel), des universitaires et intellectuels ânonnent une seule et même thèse déclinée sous un champ lexical synonymique : « scandale », « censur