Société

Des campagnes pas si mal habitées

Déléguée générale d'IDHEAL

Pourtant au cœur de notre quotidien et lié de nombreux problèmes (insalubrité, consommation énergétique, encadrement des loyers…), l’habitat se retrouve une fois de plus à la marge des programmes électoraux. Alors que la Fondation Abbé Pierre vient de publier son 27e rapport sur le mal-logement, il est intéressant de parcourir les quelques propositions des candidats, à la lumière de celles qui ont pu être faites, tenues ou abandonnées ces dernières décennies.

Où habiter, comment, à quel prix ? Notre logement en dit beaucoup sur nous, notre position sociale, notre pouvoir d’achat, notre santé, l’éducation que nous pourrons donner à nos enfants, notre accès aux services publics, sur les inégalités, l’aménagement du territoire, la mobilité, la transition écologique, nos façons d’habiter et donc de vivre, chez nous et avec les autres…, sur une certaine capacité à maîtriser notre vie.

La pandémie qui nous a tous tenus enfermés, chez nous, nous a montré les possibilités et les limites de ce refuge. Ce sujet, politique s’il en est, ne devrait-il pas être la pierre angulaire de tout programme électoral ? Il n’en occupe généralement qu’une petite partie, souvent à la fin. Même si l’élection n’est pas une posture ni la campagne une liste de courses, même si de grandes mesures sont parfois nées hors des contextes électoraux, comme la loi SRU, la baisse des APL ou des réorganisations territoriales,  il est instructif et parfois surprenant de regarder de près quelles promesses de campagne ont été suivies d’effet, ont changé, et changeront, vraiment, la vie des gens[1]. Remontons le temps…

Il y a les souvenirs, et il y a les archives. Et pour être précis en politique, faire confiance aux secondes aide à dépassionner les premiers. Le logement, sujet essentiel, quotidien pour tous, serait, nous dit-on tous les 5 ans, le grand absent des campagnes présidentielles. Vrai ou faux ? Le logement est moins (bien) traité que la sécurité ou l’immigration, cela ne semble pas faire de doute. L’est-il moins que l’agriculture, l’éducation ou la santé, questions toutes aussi essentielles ?

Un petit plongeon arrière, jusqu’en 2002, permet d’analyser les propositions des uns et des autres, de tous les candidats présents au premier tour, d’observer lesquelles ont disparu parce que traduites dans la loi puis mises en œuvre, lesquelles ont été portées et par qui, lesquelles restent en suspens, lesquelles émergent pour répondre à de nouvelles questions.

Nouvelles ? Peu le sont en vérité. En 1965, dans un ouvrage de vulgarisation dont le titre « Peut-on loger tous les Français ? » conserve toute son actualité 57 ans plus tard, Gilbert Mathieu, alors chef adjoint du service économique du Monde égrenait dans son sommaire : « 15 millions de Français mal logés », «1,5 million de personnes en logements précaires », « les drames sociaux engendrés par la crise », « 550 000 logements par an : un minimum, non l’idéal », « L’État se fait complice des spéculateurs »… La crise n’a pas tellement changé de visage et elle dure.

Parler à tous, « en même temps »

Sans faire beaucoup de bruit, le sujet du logement a tout de même pris de l’ampleur, en 20 ans, preuve qu’il est bien au cœur des préoccupations des Français, plus rassembleur que clivant pour les candidats à la présidence de la République. Il apparaît de plus en plus souvent dès les professions de foi, et non plus seulement dans le détail des programmes. En 1995, Jacques Chirac affichait son objectif d’« un logement pour tous », sans préciser ni comment ni combien ; en 2007, la candidate communiste Marie-Georges Buffet présentait une photo et un slogan, « un toit, c’est un droit ». On se souvient, la même année, d’« Une France de propriétaires » de Nicolas Sarkozy alors à la tête de l’UMP, doublé de la promesse (réalisée) de déduction des intérêts d’emprunts des acquéreurs. Mais on a oublié, sans doute ne le disait-il pas assez fort, que le président du Modem François Bayrou faisait aussi en 2007, du logement, une grande cause nationale.

Le sujet est ardu, car parler de logement, c’est embrasser une chaîne dont les maillons ne sont étrangement pas tous solidaires. Et tenter de parler à tout le monde en gérant d’insolubles « en même temps ». Comment garantir, en effet, à la fois le droit à un toit et celui de la propriété, tous deux inscrits dans les textes ? Propriétaires et locataires sont intimement liés par le bien que les uns possèdent et que les autres occupent. Ils ont pourtant, souvent, des intérêts divergents, tout comme ceux qui achètent un logement pour y vivre alors que d’autres se servent de la pierre comme d’un coffre-fort, plus fiable ou plus simple que la bourse, pour faire fructifier leurs économies ou baisser leurs impôts.

Les « urbains » et les « ruraux » sont de moins en moins en phase : il faudrait construire et construire encore pour accueillir de nouveaux ménages, les jeunes qui quittent leurs parents, les familles qui s’agrandissent ou celles qui se délitent, mais aussi préserver les ressources et cesser d’imperméabiliser les sols : éviter, donc, de s’étaler alors que la plupart des Français rêvent d’habiter une maison plantée dans son jardin.

Personne ne souhaite voir des hommes ou des femmes, encore moins des enfants, dormir dehors, mais nombreux préfèrent les voir logés loin de chez eux. Le constat qui vaut pour les sans-abris et les centres d’hébergement d’urgence concerne aussi les logements sociaux et leurs locataires. Certes, le logement coûte cher mais il rapporte aussi beaucoup à ses propriétaires et à l’État… En poussant le bouchon, on pourrait dire que construire et même habiter, c’est détruire et polluer, alors que faire ? Et comment s’adresser à des habitants dont les modes de vie ont évolué et ne suivent plus tous la sociologie électorale traditionnelle qui rangeait les propriétaires à droite et les locataires à gauche ? Même si les partis ont parfois du mal à s’en apercevoir, l’électorat ne se reconnaît plus dans ce clivage. La part du logement dans le revenu, qui représente jusqu’à 40 % pour les plus modestes, pèse aujourd’hui plus dans le vote que le statut social.

Cette technicité est un prétexte qui sert souvent d’argument aux silences et aux absences et explique, peut-être, le faible intérêt accordé au sujet. Après tout, jusqu’au mouvement des Gilets Jaunes, l’aménagement du territoire n’avait jamais poussé personne dans la rue, en tout cas pas pour y manifester. Peu d’intervieweurs dépassent ainsi les questions portant sur le nombre de logements qu’il faudrait construire ou les mesures à mettre en œuvre pour faire baisser les prix, tout en priant pour que leur interlocuteur ne s’embarque ni ne s’échoue dans les chiffres. Le résultat est toujours simpliste et souvent faux. Complexe, le sujet n’est peut-être surtout pas assez clivant pour faire de l’audience et pas non plus très propice aux petites phrases.

Seuls véritables rendez-vous politiques du secteur, le congrès HLM et la présentation par la Fondation Abbé Pierre du rapport sur le mal-logement sont des lieux d’affrontements parfois très pointus. Lorsque tous les 5 ans, la Fondation « convoque » les candidats pour un « grand oral », il arrive que le crash soit violent, comme le fut cette année l’interminable hésitation de Christiane Taubira, incapable de répondre à un point technique. À sa décharge, Jean-Luc Mélenchon pour la France Insoumise, pas plus précis, a noyé le poisson par une série de pirouettes guère plus convaincantes. La candidate des Républicains Valérie Pécresse, elle, avait préféré envoyer un porte-parole subir cet interrogatoire à sa place.

À bien les lire, pourtant, on découvre que les programmes ne sont pas si indigents. La litanie de ces promesses, répétées tant qu’elles n’ont rien résolu, permet aussi de dessiner, en creux, ce qui n’advient pas, et les contours d’une crise qui s’aggrave et d’une politique peu efficace.

Solidarité et Renouvellement Urbain, la forteresse attaquée

Ne nous y trompons pas, en 20 ans, le paysage a changé. Et beaucoup, grâce notamment à un texte fondateur, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000[2], issue non d’une promesse électorale, mais de réflexions remises sur le devant de la scène grâce à la victoire inattendue de la gauche aux élections législatives de 1997. Son article 55, le plus connu, fixe l’objectif de 20 % de logements sociaux à l’horizon 2020, dans les communes d’une certaine taille. Imparfaite, pas toujours respectée et pas partout, cette loi, entrée dans le vocabulaire commun sans qu’on en connaisse toujours les subtilités, a, depuis sa promulgation, permis la construction de la moitié environ des logements sociaux, dans des villes ou des quartiers jusqu’alors réservés au marché privé.

La parole de l’Abbé Pierre venu défendre cette nécessaire mixité sociale, à la tribune de l’Assemblée nationale en 2006 a marqué les esprits. Le texte résiste et tient bon contre les assauts et les entailles. Il est même devenu l’un des piliers structurant la politique du logement et, seul à l’extrême droite Éric Zemmour à la tête de Reconquête ! propose en 2022 de le supprimer.

Mais tous, à chaque scrutin en parlent : à gauche ceux qui voudraient sanctionner plus souvent et plus durement les maires qui ne l’appliquent pas et faire passer le taux de logements sociaux obligatoires à 30 % dans tous les projets. À droite ceux qui veulent diminuer à nouveau ce chiffre passé de 20 à 25 % en 2014[3], et plus subtils mais du même côté, ceux qui entendent adapter le texte aux spécificités des territoires et aux capacités des villes, y faire entrer différents statuts de logements. Proposée par François Fillon candidat des Républicains en 2017, cette stratégie a été adoptée dans la loi ELAN de 2018 et à nouveau par la loi 3DS[4]votée en février 2022.

Construire plus, oui mais quoi ?

Parmi les sujets les plus fréquemment abordés figure également, évidemment, la construction de logements neufs, symbole d’un dynamisme tout à la fois démographique, géographique et économique. Presque absente en 2002 où seuls Jean-Pierre Chevènement, pour le Mouvement des Citoyens, et le candidat communiste Robert Hue lui accordent quelques lignes, cette question fait une entrée fracassante dans le débat électoral en 2007, quelques années après la sortie du tunnel de Friggit.

Cette période qui porte le nom de son théoricien[5], date du début des années 2000, la déconnexion entre les revenus des ménages et les prix de l’immobilier qui s’envolent. La réponse semble claire, pour faire baisser les prix, il suffirait de construire plus… Les uns et les autres proposent tous peu ou prou les mêmes chiffres : 150 000 à 200 000 logements sociaux par an est l’objectif à gauche comme à droite, compris dans un total de 500 000. En 2012 pour Lutte Ouvrière, Arlette Laguiller en souhaitait 2 millions en 2 ans « sans passer par les bétonneurs privés ».

Le mantra des 500 000 issu de plusieurs études peu actualisées, est repris depuis plus de 20 ans. Cet objectif jamais atteint a longtemps nourri une politique sans déclinaison territoriale et encouragé la construction de logements où les besoins n’étaient pas toujours avérés. Faute de mieux, le comptage, en début ou en fin de mandat, demeure, à l’échelle nationale, la meilleure manière de jauger la réussite ou l’échec d’une politique du logement. La baisse du nombre de permis de construire a ainsi, ces derniers mois, nourri les tenants de la simplification des procédures, pressés de construire plus et plus vite. Un thème déjà soutenu par François Fillon en 2017.

Intéressant glissement sémantique : là où la gauche assume vouloir construire des logements sociaux, très sociaux et en réclame, la droite les remplacerait volontiers, en partie au moins, par des logements « abordables », un terme à la connotation plus neutre et un régime qui peut séduire des investisseurs. Les loyers de ces « logements locatifs intermédiaires » sont certes encadrés, mais plus élevés que ceux des HLM. De plus, leur rôle d’amortisseur du marché est moindre, et limité dans le temps[6].

En 2022, les uns et les autres affichent encore des ambitions à 150 000 ou 200 000 logements par an, plus compliqués à construire depuis que le ZAN (zéro artificialisation nette) empêche théoriquement de consommer de nouveaux terrains. La candidate des Républicains, Valérie Pécresse, a annoncé qu’elle ne respecterait pas cette mesure qui « met la France sous cloche » et propose de confier ces questions aux régions. Christiane Taubira pense aussi que c’est aux élus locaux de fixer des objectifs de construction et de contractualiser avec l’État. Pour le Parti Socialiste, Anne Hidalgo vise toujours les 150 000 logements (sociaux). Avec les écologistes, Yannick Jadot en promet un million (abordables) en 5 ans.

Pour la planète, oui, mais…

Ne faudrait-il pas surtout, ou d’abord, réparer, isoler, transformer ? On imagine que l’impact de la crise climatique sur le revenu des ménages comme sur la planète devrait mettre tout le monde d’accord. Malheureusement la question des inégalités revient vite par la fenêtre – ou la cheminée – via celle de la précarité énergétique. Le communiste Robert Hue s’intéressait dès 2002 à la rénovation des logements. Cinq ans plus tard, le sujet était porté par François Bayrou pour le Modem, José Bové pour le Parti Politique Indépendant, Jean-Marie Le Pen pour le Front National et Ségolène Royal pour le Parti Socialiste. En 2012, alors que le cadre de l’action climatique dans le secteur est désormais fixé par les lois Grenelle[7], tous les candidats des grands partis l’envisagent par une mesure plus ou moins précise. En 2017, 6 candidats sur 11 en parlent. Le « bouclier énergétique » du candidat du parti socialiste Benoît Hamon doit se déclencher lorsque les dépenses énergétiques d’un ménage pauvre dépassent 10 %. La France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon proposent le guichet unique regroupant les demandes de financement, un principe repris par le gouvernement Macron et baptisé FAIRE en 2018. Emmanuel Macron promet, lui, de rénover 1 million de logements en commençant par ceux des propriétaires les plus modestes ce que le dispositif MaPrimRenov[8]a entamé, avec un certain succès mais des résultats divers sur l’efficacité des travaux financés.

En 2022 le sujet a encore gagné en maturité, les candidats avancent des solutions de financement pour être pris au sérieux : Anne Hidalgo propose que l’État finance les travaux sous forme de prêt gratuit remboursé au moment de la revente ou de la transmission. Yannick Jadot vote pour des rénovations obligatoires en cas de changement de propriétaire et un grand plan de 10 milliards d’euros. Marine Le Pen pour le Rassemblement National, compte, pour rééquilibrer les territoires, sur l’achat par l’État de logements vacants remis sur le marché à un prix très modique. Valérie Pécresse, enfin, en appelle à l’épargne, en fusionnant les livrets A et les livrets de développement durable afin de mobiliser 120 milliards pour les projets bas carbone.

Encadrer, c’est un choix de société

Quasiment banni du marché privé depuis la loi de 48, l’encadrement des loyers a refait son apparition dans les programmes électoraux à partir de 2007, après une période de hausse très forte au début des années 2000. Considéré par les uns comme une mesure de justice sociale, par les autres comme une limitation des libertés individuelles et par les milieux économiques comme une aberration contre-productive, cette mesure est d’abord un choix de société.

La proposition est portée en 2007 par José Bové, Olivier Besancenot pour le Parti anticapitaliste et Jean-Marie Le Pen. Un mandat plus tard, huit candidats sur dix, tous sauf Marine Le Pen et le candidat du Parti Solidarité et Progrès, Jacques Cheminade, proposent de bloquer ou d’encadrer le marché locatif privé. C’est chose faite par la loi Alur (Pour un accès au logement et un urbanisme rénové) de 2014. Attaquée par plusieurs fédérations, il faut encore à cette mesure quelques années pour se faire une petite place et commencer à porter ses fruits[9], mais pas partout, loin s’en faut. En 2017 Les Républicains proposaient encore de le supprimer, tandis que Nathalie Arthaud, Philippe Poutou et Benoît Hamon réclamaient son renforcement.

En 2022, cette mesure encore fragile, peu contrôlée, peu respectée et aux résultats contrastés figure à nouveau aux programmes : Yannick Jadot la généraliserait bien à tout le territoire, Anne Hidalgo propose de lier cet encadrement aux performances énergétiques des logements loués, dans le sillage de la loi Climat votée en août 2021, qui promet déjà de retirer du marché les passoires thermiques.

En creux, le contrôle du marché privé témoigne aussi de la perte d’efficacité des aides à la personne (APL) à solvabiliser les ménages et les limites de ce système en place depuis 1977 et de plus en plus couteux pour les finances publiques. Alors qu’elles ont baissé depuis 2017, la gauche par les voix de Jean-Luc Mélenchon et d’Anne Hidalgo, propose de les revaloriser y compris sous la forme d’une allocation supplémentaire pour la maire de Paris, adressée aux ménages dont le budget logement dépasse 20 % de leur revenu. Au centre et à droite, l’idée revient en 2022 d’une allocation sociale unique (et non plus fléchée vers les dépenses de logement) développée dans le programme de François Fillon, refait régulièrement surface depuis 5 ans, redoutée par les uns, souhaitée par les autres.

Garantir les uns… rassurer les autres

Comment assurer aux locataires de pouvoir se loger sans gagner l’équivalent de trois fois leur loyer, ou avoir à demander une caution à leurs parents ? Tout en garantissant aux propriétaires qu’ils encaisseront bien tous leurs revenus, récupèreront leurs biens et pas un champ de ruines. Le débat autour de la garantie locative dure depuis des lustres, alors même que le système Visale[10] l’a réglé pour les jeunes et les petits loyers.

Pratique dans les programmes électoraux, cette question du rééquilibrage des rapports réputés houleux entre propriétaires et locataires permet de s’adresser à la fois aux uns et aux autres. En appuyant à gauche sur la suppression de la caution, à droite sur la mise en place d’un dispositif de garantie contre les loyers impayés, qui achoppe généralement sur son financement. Toutes ces mesures visent aussi à remettre sur le marché des logements vacants en évitant la réquisition brandie, au nom de la loi, par certains candidats de gauche mais jamais appliquée.

Christiane Taubira, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon en font à nouveau la promesse, les intérêts des uns et des autres seront préservés. Avec son « bouclier », Anne Hidalgo s’engage aussi sur cette voie. Prenant ses adversaires de court, le gouvernement vient de leur couper l’herbe sous le pied en annonçant pour mars, la mise en place de Loc’avantages, qui pourrait régler à la fois la question du loyer et celles du risque : ce bail homologué, éventuellement intermédié par une association, accordera aux propriétaires des avantages fiscaux supplémentaires proportionnels à la faiblesse des loyers pratiqués. Surprise ? Cette idée défendue par Christiane Taubira en 2002, déjà ébauchée à la fin du quinquennat Hollande par sa ministre du Logement Emmanuelle Cosse avec les systèmes « louer abordable », figurait aussi, dans ces nouveaux termes, au programme de François Fillon en 2017.

Moins d’impôts…

Parler de fiscalité à ses futurs électeurs est toujours risqué sauf à promettre de baisser les impôts, ce qu’ensuite, il faut faire. Investir dans un logement pour le louer peut servir à réduire son tribut, mais pour le reste, le fisc veille : habiter coûte, et suppose d’être en règle avec la trésorerie locale, il faut payer des droits de mutation, déclarer ses revenus locatifs et vendre peut donner lieu à une taxe sur la plus-value, l’État enfin vient prélever sa dîme (et souvent plus) sur les héritages. La taxe d’habitation a longtemps tenu sa place dans les programmes, considérée comme injuste par la droite comme par la gauche. Elle est supprimée pour 80 % des habitants et le sera bientôt pour tous. Des promesses d’appliquer une taxe sur les bureaux vacants et ou de moduler la taxe foncière l’ont remplacée. Le débat sur les droits de succession, que les uns veulent alléger, les autres renforcer, qui concernent souvent le patrimoine bâti et revient en force en 2022.

À de rares exceptions près, en revanche, les candidats ne s’engagent guère sur la défiscalisation. Ce transfert du financement du logement vers les acteurs privés fut mis en place en 1984, par un gouvernement de gauche, il a traversé alternances et cohabitations, plus ou moins encadré selon les époques, adoptant le nom du ministre qui le mettait en place. Marie-Georges Buffet proposait en 2007 de le supprimer, Ségolène Royal de conditionner ces aides publiques à des modérations de loyer, chose faite depuis. Bizarrement, l’idée d’encourager la rénovation thermique en réorientant massivement ces aides vers le logement existant ne perce pas, car cette « défisc » très utilisée au moment des plans de relance, sert aussi à soutenir les ventes de logements neufs, les promoteurs et l’emploi dans le secteur du BTP.

Beaucoup de nos concitoyens dormiront encore dehors la nuit prochaine. La promesse de Lionel Jospin de « Zéro SDF » n’était pas tenable en 2002, elle est encore plus utopique, 20 ans après, malgré la loi DALO (Droit au logement opposable) qui depuis 2007, oblige l’État à loger ceux qui ne le sont pas. Une décision prise par Jacques Chirac à la suite du mouvement des Enfants de Don Quichotte à l’automne 2006. Le sujet demeure clivant et délicat : la droite tient les vagues d’immigrations pour responsable de la situation, quand la gauche accuse surtout la précarisation de tous.

Plus, ou moins présent ? Mieux, moins bien traité cette année ? Parce qu’il est de plus en plus analysé comme l’une des causes profonde et durable des inégalités, le logement peut devenir un sujet d’affrontement politique et médiatique et par cette voie, prendre la place qu’il mérite, centrale pour les ménages, les acteurs économiques et les responsables politiques. Il fait l’objet ces jours-ci de notes et de tribunes aux titres évocateurs : « la mère des batailles politiques que les candidats délaissent », une « bombe sociale à retardement », utilisé à la fois par la Fondation Abbé Pierre à gauche et l’essayiste libéral Robin Rivaton. « It’s the logement stupid » écrit Olivier Salmon président de la Fédération française du bâtiment qui annonce l’échec du gouvernement, quel qu’il soit, si dans 5 ans on continuait de parler de pénurie de logement… Les plateformes de propositions fleurissent, pleines d’idées à disposition, portées par les architectes, l’Union Sociale pour l’Habitat, les associations de villes… Mesdames et Messieurs les candidats, servez-vous, c’est cadeau !


[1] Les sources de cet article sont exclusivement les professions de foi et les programmes écrits des candidats et candidates et ne prennent pas en compte les déclarations aux médias ou devant des assemblées lors de meetings politiques.

[2] La loi SRU impose aux communes de 1 500 (en Île-de-France ) ou 3 500 habitants situées dans des agglomérations de 50 000 habitants un objectif de 20 % de logements sociaux à l’horizon 2020.

[3] La loi Alur pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, en 2014, ambitionne d’atteindre un taux de 25 % à l’horizon 2025.

[4] 3DS et SRU. Chaque loi sur le logement ou comprenant un volet logement donne lieu à des affrontements entre Assemblée Nationale et Sénat, et entre gauche et droite. Le texte de la SRU est petit à petit dévoyé car le type de logement compté comme « sociaux » englobe de plus en plus de types de logements aidés. La loi ELAN conserve par exemple dans le taux d’une commune, et pour dix ans, les logements sociaux vendus à leurs locataires.

[5] Jacques Friggit ingénieur général au conseil général de l’environnement et du développement durable a établi sur le très long terme la comparaison entre les revenus et les prix de l’immobilier.

[6] Les foncières, fonds d’investissement, compagnies d’assurance ou banques qui possèdent ces logements et acceptent de modérer leurs profits pendant 12 ans contre avantage fiscal, pourront ensuite les remettre sur le marché libre.

[7] Les lois Grenelle de 2008 et 2010 traduisent en droit les engagements pris par l’État pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, notamment en réformant les consommations énergétiques des logements neufs.

[8] MaPrimRenov est un dispositif qui regroupe diverses aides et, sous l’égide de l’Agence nationale de l’habitat, finance les travaux de rénovation des ménages occupants ou bailleurs.

[9] L’encadrement des loyers propose aux propriétaires de s’inscrire dans une fourchette de prix médians, plus ou moins 20 %, avec de nombreuses possibilités de s’exonérer de cette contrainte (vue, travaux, caractère exceptionnel). Mise en œuvre à titre expérimental à Paris et à Lille, la loi a été annulée par la justice en 2017 et réintégrée à la loi ELAN en 2018 dont l’article 140, donne la possibilité aux agglomérations volontaires, à la commune de Paris, et aux métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille de rétablir l’encadrement des loyers à titre expérimental sur une période de 5 ans.

[10] Visale est un dispositif mis en place par Action logement pour les jeunes locataires ou les plus de 30 ans installés dans des logements loués moins de 1 500 euros. Le locataire est agréé « Visale » ce qui rassure son propriétaire et ne coûte rien ni à l’un ni à l’autre. En cas de problème, Action Logement prend en charge les impayés et la remise en état des lieux le cas échéant.

Catherine Sabbah

Déléguée générale d'IDHEAL

Poutine le tchékiste

Par

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Notes

[1] Les sources de cet article sont exclusivement les professions de foi et les programmes écrits des candidats et candidates et ne prennent pas en compte les déclarations aux médias ou devant des assemblées lors de meetings politiques.

[2] La loi SRU impose aux communes de 1 500 (en Île-de-France ) ou 3 500 habitants situées dans des agglomérations de 50 000 habitants un objectif de 20 % de logements sociaux à l’horizon 2020.

[3] La loi Alur pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, en 2014, ambitionne d’atteindre un taux de 25 % à l’horizon 2025.

[4] 3DS et SRU. Chaque loi sur le logement ou comprenant un volet logement donne lieu à des affrontements entre Assemblée Nationale et Sénat, et entre gauche et droite. Le texte de la SRU est petit à petit dévoyé car le type de logement compté comme « sociaux » englobe de plus en plus de types de logements aidés. La loi ELAN conserve par exemple dans le taux d’une commune, et pour dix ans, les logements sociaux vendus à leurs locataires.

[5] Jacques Friggit ingénieur général au conseil général de l’environnement et du développement durable a établi sur le très long terme la comparaison entre les revenus et les prix de l’immobilier.

[6] Les foncières, fonds d’investissement, compagnies d’assurance ou banques qui possèdent ces logements et acceptent de modérer leurs profits pendant 12 ans contre avantage fiscal, pourront ensuite les remettre sur le marché libre.

[7] Les lois Grenelle de 2008 et 2010 traduisent en droit les engagements pris par l’État pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, notamment en réformant les consommations énergétiques des logements neufs.

[8] MaPrimRenov est un dispositif qui regroupe diverses aides et, sous l’égide de l’Agence nationale de l’habitat, finance les travaux de rénovation des ménages occupants ou bailleurs.

[9] L’encadrement des loyers propose aux propriétaires de s’inscrire dans une fourchette de prix médians, plus ou moins 20 %, avec de nombreuses possibilités de s’exonérer de cette contrainte (vue, travaux, caractère exceptionnel). Mise en œuvre à titre expérimental à Paris et à Lille, la loi a été annulée par la justice en 2017 et réintégrée à la loi ELAN en 2018 dont l’article 140, donne la possibilité aux agglomérations volontaires, à la commune de Paris, et aux métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille de rétablir l’encadrement des loyers à titre expérimental sur une période de 5 ans.

[10] Visale est un dispositif mis en place par Action logement pour les jeunes locataires ou les plus de 30 ans installés dans des logements loués moins de 1 500 euros. Le locataire est agréé « Visale » ce qui rassure son propriétaire et ne coûte rien ni à l’un ni à l’autre. En cas de problème, Action Logement prend en charge les impayés et la remise en état des lieux le cas échéant.