Zelensky, héros iconopolitique
« Quand on réfléchit aux conquêtes diplomatiques et autres de cette puissance, naguère encore comptée pour peu dans les affaires du monde civilisé, on se demande si ce qu’on voit est un rêve. »
Marquis de Custine, Lettres de Russie, 14 juillet 1839
Le 24 février 2022, l’invasion militaire de l’Ukraine par l’armée russe aux ordres de Poutine a semblé surprendre le monde, comme si l’événement avait fait effraction dans la bonne conscience irénique de l’homme occidental moderne. Mais cette guerre correspond pourtant à un scénario très conventionnel, très ancien, intégré de longue date à notre imaginaire politique : un scénario étatico-militaire, territorial et annexionniste. Les chars, les démonstrations de force, les bataillons, les missiles : tout cela donne une impression de déjà-vu.

Les exercices balistiques effectués à la frontière de l’Ukraine avant l’invasion ont répété des formes d’images familières à un citoyen du XXe siècle, et dont l’inquiétante étrangeté a été précisément proportionnelle à cette familiarité, comme quand on revoit, des années après, un vieux film qui nous avait marqué dans notre jeunesse. Répété comme la possibilité la plus propre de l’ordre mondial pendant la guerre froide, ce scénario est tellement usé que nous ne le pensions plus possible, et l’avions remisé parmi les clichés et les rengaines d’une époque révolue. Ce qui cause la surprise, ce n’est donc pas l’événement actuel en lui-même, comme si sa possibilité ne l’avait pas déjà précédé. Si la conscience peine à assimiler ce qui arrive, c’est plutôt en raison d’un décalage anachronique entre cette guerre et nos scénarios possibles et disponibles, nos scripts, nos imaginaires.
Un événement ne réalise jamais que ce qui est possible. Par définition, le possible est plus large que le réel et le conditionne. Or, le possible n’est pas seulement une catégorie abstraite, logico-idéelle, c’est aussi une catégorie concrète de l’imaginaire. Les corps sont des images matérialisées. Ainsi