Écologie

L’extrême centre et l’écologisme industriel

Philosophe

Conscients de la catastrophe écologique en cours, les États ne cessent aujourd’hui de promouvoir la transformation en profondeur de notre modèle, pour défendre en réalité son intensification. Les multinationales sont appelées à assurer la transition écologique, en profitant d’un nouveau marché. Les politiques de l’extrême centre continuent ainsi à placer le marché au centre de tout, et favorisent le régime productiviste en vigueur.

Les sophismes s’énoncent en quelques secondes, mais on doit parfois y mettre des heures pour exposer leur vanité. Ainsi en va-t-il de la déclaration du président français, Emmanuel Macron, en marge de la 26e grande conférence des Nations Unies sur le climat, organisée en novembre 2021 à Glasgow. « Si on ne réindustrialise pas le pays, on ne pourra redevenir une nation d’innovation et de recherche », lançait-il à la manière d’un sac de nœuds, pour convaincre de son intention de palier le phénomène du réchauffement climatique.

publicité

Les régimes d’extrême centre prétendent à la science du gouvernement et s’auréolent eux-mêmes d’une sagesse pour conduire les sociétés. Aussi ne répondent-ils jamais de leur bilan politique. Monopolisant l’ordre du discours pondéré et raisonnable, ils parviennent ainsi, de manière péremptoire, à masquer leurs contradictions en poursuivant leur marche destructive du vivant.

D’abord, la France et ses partenaires du G20 poussent maintenant l’outrecuidance jusqu’à faire ouvertement de la crise climatique l’objet d’un nouveau marché technologique profitant aux grandes entreprises qui l’ont provoquée, tout en reprenant en somnambules les antiennes d’une lutte contre les bouleversements climatiques qui s’éloignent de toute réalité.

Ainsi, pour l’Élysée, la « transformation en profondeur de notre modèle[1] » signifie en réalité son intensification. Il ne s’agit en rien de minimiser le rôle du marché comme médiateur social, de retirer à la consommation nationale sa fonction de moteur de l’économie ni de revoir le pouvoir exorbitant que détiennent ces nouvelles souverainetés privées que sont les multinationales, mais, nonobstant la crise écologique inouïe dans laquelle nous nous enfonçons d’ores et déjà, de garantir le maintien du marché comme régime d’organisation, le rôle que la consommation de masse y joue et la fonction dominatrice qui est dévolue aux multinationales.

Les États accentuent même le trait en demandant en termes voilés aux multi


[1] « En France, une transformation en profondeur de notre modèle », site internet de la Présidence française, Élysée.fr, page consultée le 2 novembre 2021.

[2] Clive Hamilton, Les apprentis sorciers du climat. Raisons et déraisons de la géo-ingénierie, Paris, Seuil, coll. « Anthropocène », 2013, et Pierre Oscar Lévy, Les apprentis sorciers du climat, documentaire, France, Coproduction : ARTE France, Artline Films», 2015.

[3] « Déclaration de Rome des chefs d’État et de Gouvernement du G20 », Élysée.fr, 1er novembre 2021.

[4] « Objectifs de développement durable », article 14.4.

[5] Philippe Cury et Daniel Pauly, Mange tes méduses ! Réconcilier les cycles de la vie et la flèche du temps, Paris, Éditions Odile Jacob, coll. « Sciences », 2013, Didier Gascuel, Pour une révolution dans la mer. De la surpêche à la résilience, Arles, Actes Sud, coll. « Domaine du possible », 2019, et Ali Tabrizi, Seaspiracy, documentaire, 2021.

[6] « Il est urgent d’agir pour freiner la surpêche et réformer le soutien au secteur halieutique », communiqué, OCDE, 10 octobre 2020.

[7] Anna Bednik, Extractivisme. Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances, Neuvy-en-Champagne (France), Le Passager clandestin, 2016.

[8] Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, L’événement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2016 [2013], p. 36-37.

[9] Dominique Pestre, À Contre-science. Politiques et savoirs des sociétés contemporaines, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées », 2013, p. 176-177.

Alain Deneault

Philosophe, Professeur à l'Université de Moncton

Mots-clés

CapitalismeClimat

Notes

[1] « En France, une transformation en profondeur de notre modèle », site internet de la Présidence française, Élysée.fr, page consultée le 2 novembre 2021.

[2] Clive Hamilton, Les apprentis sorciers du climat. Raisons et déraisons de la géo-ingénierie, Paris, Seuil, coll. « Anthropocène », 2013, et Pierre Oscar Lévy, Les apprentis sorciers du climat, documentaire, France, Coproduction : ARTE France, Artline Films», 2015.

[3] « Déclaration de Rome des chefs d’État et de Gouvernement du G20 », Élysée.fr, 1er novembre 2021.

[4] « Objectifs de développement durable », article 14.4.

[5] Philippe Cury et Daniel Pauly, Mange tes méduses ! Réconcilier les cycles de la vie et la flèche du temps, Paris, Éditions Odile Jacob, coll. « Sciences », 2013, Didier Gascuel, Pour une révolution dans la mer. De la surpêche à la résilience, Arles, Actes Sud, coll. « Domaine du possible », 2019, et Ali Tabrizi, Seaspiracy, documentaire, 2021.

[6] « Il est urgent d’agir pour freiner la surpêche et réformer le soutien au secteur halieutique », communiqué, OCDE, 10 octobre 2020.

[7] Anna Bednik, Extractivisme. Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances, Neuvy-en-Champagne (France), Le Passager clandestin, 2016.

[8] Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, L’événement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2016 [2013], p. 36-37.

[9] Dominique Pestre, À Contre-science. Politiques et savoirs des sociétés contemporaines, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées », 2013, p. 176-177.