Écologie

« Au feu les pompiers ! » ou la société du spectacle écologique

Juriste

« Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs » : c’est par ces mots qu’il y a juste vingt ans le président Jacques Chirac ouvrait son discours au Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg. Des mots qui résonnent beaucoup plus fort aujourd’hui, au sortir d’un été caniculaire marqué par nombre de mégafeux. Une relecture minutieuse du message de 2002 fait sauter à la face comme une impuissance globale d’ordres juridiques et politiques qui ne parviennent visiblement pas à éteindre l’incendie en cours d’emballement.

« Au feu, les pompiers
V’là la maison qui brûle
Au feu, les pompiers
V’là la maison brûlée.
C’est pas moi, qui l’ai brûlée
C’est la cantinière
C’est pas moi, qui l’ai brûlée
C’est le cantinier… »
Comptine… pour adultes (extrait)

 

« Le soleil, ni la mort, ne se peuvent regarder fixement »
La Rochefoucault, Maximes, 1665

 

Comment pouvons-nous encore dormir tandis que nos lits brûlent ? C’est visiblement la chanson Beds are burning, du groupe de rock australien Midnight Oil[1], qui inspira Jean-Paul Deléage, à qui l’on doit la très marquante phrase sur laquelle s’ouvrit, il y a précisément vingt ans aujourd’hui, le discours prononcé par le président Jacques Chirac lors du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg[2]. Réélu de fraîche date, le président français semblait avoir alors été convaincu de l’urgence et de la gravité de la situation écologique. Ses discours de campagne, teintés de vert, l’avaient conduit à mettre en place la « Commission Coppens ». Elle accouchera d’une Charte de l’environnement qui rejoindra, après bien des atermoiements, le bloc de constitutionnalité français le 1er mars 2005.

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La lecture (ou l’écoute) du discours, vingt ans après, est édifiante. Il n’est pas seulement question d’écologie (et plus restrictivement encore de climat) dans une acception étroite, comme pourrait le laisser entendre une interprétation trop rapide de son titre. Le texte évoque de manière inclusive les « ressources naturelles », la diversité dans ses dimensions biologique et culturelle. La responsabilité collective de l’humanité, pays riches en tête, est mise en exergue, en lien étroit avec la nécessité d’éradiquer la pauvreté. Bien conscient, du fait de sa position institutionnelle notamment, des limites du droit international, Jacques Chirac se prend à rêver d’une Alliance mondiale pour le développement durable, dont le but serait d’être engagé simultanément sur cinq grands chantiers : le changement climatique, l’éradication de la pauvr


[1] Groupe dont le leader et chanteur, Peter Garrett, deviendra d’ailleurs ministre de l’environnement du Gouvernement Kevin Rudd en 2007.

[2] Pour une vidéo intégrale de ce discours, voir par exemple : . Le texte de ce discours est disponible sur https://www.lejdd.fr/Politique/notre-maison-brule-et-nous-regardons-ailleurs-lintegralite-du-discours-de-jacques-chirac-en-2002-3921858

[3] https://eco-act.com/fr/accord-de-paris/alerte-rouge-du-giec-decryptage/

[4] Rapport de l’Ipbes 2019 (7e session), , notamment pp. 27-32.

[5] Ph. Moreau Defarges, La mondialisation, Puf, coll. « Que sais-je ? », 2012, pp. 3-8.

[6] Sur ce thème, voir L. Fonbaustier, « (Invisible and) Silent Spring », Revue juridique de l’environnement, 2020/2, volume n° 45, pp. 223-229.

[7] Voir par exemple et déjà : D. Rudhyar, Vers une conscience planétaire, trad. par J.-P. Laugt, Éditions du Rocher, coll. « Gnose », 1996.

[8] La possibilité, à terme, d’un « crime contre l’humanité » leur est largement imputable, et historiquement, leur part est décisive, leur défaillance incontestable.

[9] Encyclique dont le texte est disponible ici : https://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html

[10] On lira le remarquable livre de H. Rosa, Rendre le monde indisponible, trad. par F. L. de Carvalho, La découverte, coll. « Théorie critique », 2020.

[11] L. Fonbaustier, Environnement, Anamosa, coll. « Le mot est faible », 2021, notamment pp. 37-38.

[12] Un esprit cynique ou consolateur se plairait à dire : et si cela pouvait, à terme, nous aider ?

[13] Bien que les modes de calcul soient complexes, on considère que les émissions directes de la France s’élèvent à environ 0,9% des émissions mondiales, et 1,4% selon le mode de rapatriement des émissions indirectes.

[14] G. Sainteny, Le climat qui cache la forêt. Comment la question climatique occulte les problèmes d’environnement, Éditions Rue de l’échiquier, coll. « Diagonales », 2015.

[15] G. Debord, L

Laurent Fonbaustier

Juriste, Professeur de droit public à l'Université Paris-Saclay

Notes

[1] Groupe dont le leader et chanteur, Peter Garrett, deviendra d’ailleurs ministre de l’environnement du Gouvernement Kevin Rudd en 2007.

[2] Pour une vidéo intégrale de ce discours, voir par exemple : . Le texte de ce discours est disponible sur https://www.lejdd.fr/Politique/notre-maison-brule-et-nous-regardons-ailleurs-lintegralite-du-discours-de-jacques-chirac-en-2002-3921858

[3] https://eco-act.com/fr/accord-de-paris/alerte-rouge-du-giec-decryptage/

[4] Rapport de l’Ipbes 2019 (7e session), , notamment pp. 27-32.

[5] Ph. Moreau Defarges, La mondialisation, Puf, coll. « Que sais-je ? », 2012, pp. 3-8.

[6] Sur ce thème, voir L. Fonbaustier, « (Invisible and) Silent Spring », Revue juridique de l’environnement, 2020/2, volume n° 45, pp. 223-229.

[7] Voir par exemple et déjà : D. Rudhyar, Vers une conscience planétaire, trad. par J.-P. Laugt, Éditions du Rocher, coll. « Gnose », 1996.

[8] La possibilité, à terme, d’un « crime contre l’humanité » leur est largement imputable, et historiquement, leur part est décisive, leur défaillance incontestable.

[9] Encyclique dont le texte est disponible ici : https://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html

[10] On lira le remarquable livre de H. Rosa, Rendre le monde indisponible, trad. par F. L. de Carvalho, La découverte, coll. « Théorie critique », 2020.

[11] L. Fonbaustier, Environnement, Anamosa, coll. « Le mot est faible », 2021, notamment pp. 37-38.

[12] Un esprit cynique ou consolateur se plairait à dire : et si cela pouvait, à terme, nous aider ?

[13] Bien que les modes de calcul soient complexes, on considère que les émissions directes de la France s’élèvent à environ 0,9% des émissions mondiales, et 1,4% selon le mode de rapatriement des émissions indirectes.

[14] G. Sainteny, Le climat qui cache la forêt. Comment la question climatique occulte les problèmes d’environnement, Éditions Rue de l’échiquier, coll. « Diagonales », 2015.

[15] G. Debord, L