Écologie

J’habite où je lutte – une lettre du Canada

Politiste

Le Premier ministre du Canada Justin Trudeau manque à l’appel de la COP 27. Il a laissé à d’autres le soin d’annoncer la mauvaise nouvelle : coincé dans l’ombre des États-Unis et alléché par les opportunités économiques créées par la guerre de la Russie contre l’Ukraine, le pays à la feuille d’érable ne s’impose pas comme pionnier de la transformation écologique des sociétés. Nombre de ses habitant·es continuent malgré tout d’inventer chaque jour mille façons de dialoguer et de lutter ensemble, d’une immensité de territoire à une autre. D’autres hésitent encore à rejoindre l’appel de cette nouvelle Internationale.

« Le futur est déjà arrivé, mais cela ne veut pas dire que nous n’avons nulle part où aller »
Billy-Ray Belcourt.

Abrasif. Je ne trouve pas d’autres mots pour décrire mon atterrissage à Vancouver, en plein Covid, en plein Brexit, en pleine saison des pluies d’hiver. Fuyant l’Angleterre d’un Boris Johnson festoyant au 10 Downing Street et d’une Priti Patel xénophobe, j’ai posé le pied au Canada épuisée, sans rêve ; surtout pas celui d’une vie meilleure. Je suis militante de l’écologie depuis plus de vingt ans, je sais qu’il n’est plus de sols où le réchauffement de la planète ne produise pas déjà, ne serait-ce qu’un peu et de manière ponctuelle, ses effets délétères sur le vivant et sur l’organisation de la société. Je suis féministe, engagée dans les luttes contre les inégalités et les discriminations. Je sais donc aussi qu’il n’est pas de pays tout à fait accueillant, d’État où les politiques soient parfaitement alignées sur les causes que je défends, et où je trouverais qu’il fait bon vivre, vraiment.

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Née l’année du premier choc pétrolier et de l’adoption en première lecture de la loi Veil dépénalisant l’avortement, je ne suis pas de la génération de la plage sous les pavés, des gauches pleine d’espoirs, du sexe sans sida, de l’emploi pas trop difficile à (re) trouver, des vies en toute inconscience écologique. Je ne rêve pas de mieux, tout juste d’autrement.

De passage de frontières géographiques en franchissement de frontières sociales, j’ai appris que l’on peut changer de monde sans faire des millions de kilomètres. Mes déplacements sont une somme de promesses et de petits arrachements. Au fil des ans, et de quelques années d’exercice de mandats politiques, je n’ai gardé qu’un seul mantra : être désespéré·e n’empêche pas d’être déterminé·e. Mais déterminé·e à quoi ? À découvrir d’autres mondes, et à le faire comme je suis faite, et comme je fais mes enquêtes politistes : par le bas ; en passant par les littératures – que je comprends comme l’ensemble


[1] Je remercie Pierre-Luc Landry, professeur d’études littéraires et culturelles au Département de français et d’études francophones de l’Université de Victoria (Colombie-Britannique), dont l’enseignement en Littératures autochtones canadiennes et francophones m’a permis d’aboutir à cette formulation.

[2] Celui-ci doit beaucoup aux conférences que j’ai eu le plaisir et l’honneur de donner dans le cadre de mon visiting fellowship 2021-2022 à l’Université de Victoria (CB).

[3] Lee Maracle, My conversation with Canadians, Kamal Al-Solaylee publisher, 2017.

[4] Sur la commission de vérité et de réconciliation au Canada, voir le site du gouvernement.

[5] Naomi Fontaine, Kuessipan, Montréal, Mémoire d’encrier, 2011 ; Shuni, Montréal, Mémoire d’encrier, 2019.

[6] An Antane Kapesh, Je suis une maudite sauvageresse, Montréal, Mémoire d’encrier, 2019 (1976).

[7] Chelsea Vowel, Écrits autochtones. Comprendre les enjeux des Premiers Nations, des Métis et des Inuit au Canada, Nota Bene, (2016) 2021 (trad).

[8] Joséphine Bacon, Un thé dans la toundra. Nipishapui nete mushuat, Montréal, Mémoires d’encrier, 2013.

[9] Kanapé Fontaine, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Montréal, Mémoire d’encrier, 2013.

[10] Nicholas Dawson et Karine Rosso, Nous sommes un continent. Correspondance mestiza, Montréal, Triptyque, 2021.

[11] Billy-Rey Belcourt, Cette Blessure est un territoire, Montréal, Tryptique, (2017) 2019 (trad).

[12] Pour Lesbienne, Gay, Bi, Trans, Queer et Deux esprits.

[13] Cy Lecerf Maulpoix, Écologies déviantes, Paris, Cambourakis, 2021.

[14] Judith Butler, La Force de la non violence, Paris, Fayard, 2021.

[15] François Cusset, Le Déchaînement du monde. Logique nouvelle de la violence, Paris, La Découverte, 2018.

[16] Florian Gardena et Pierre-Luc Landry, La Guerre est dans les mots et il faut les crier, Montréal, Triptyque, 2022.

[17] Françoise d’Eaubonne, Contre la violence ou la résistance à l’état, Paris, Éditions Tierce,1978.

[18] Frantz Fanon, Les Damnés de l

Vanessa Jérome

Politiste, Chercheuse associée à l'Université de Victoria (Canada)

Notes

[1] Je remercie Pierre-Luc Landry, professeur d’études littéraires et culturelles au Département de français et d’études francophones de l’Université de Victoria (Colombie-Britannique), dont l’enseignement en Littératures autochtones canadiennes et francophones m’a permis d’aboutir à cette formulation.

[2] Celui-ci doit beaucoup aux conférences que j’ai eu le plaisir et l’honneur de donner dans le cadre de mon visiting fellowship 2021-2022 à l’Université de Victoria (CB).

[3] Lee Maracle, My conversation with Canadians, Kamal Al-Solaylee publisher, 2017.

[4] Sur la commission de vérité et de réconciliation au Canada, voir le site du gouvernement.

[5] Naomi Fontaine, Kuessipan, Montréal, Mémoire d’encrier, 2011 ; Shuni, Montréal, Mémoire d’encrier, 2019.

[6] An Antane Kapesh, Je suis une maudite sauvageresse, Montréal, Mémoire d’encrier, 2019 (1976).

[7] Chelsea Vowel, Écrits autochtones. Comprendre les enjeux des Premiers Nations, des Métis et des Inuit au Canada, Nota Bene, (2016) 2021 (trad).

[8] Joséphine Bacon, Un thé dans la toundra. Nipishapui nete mushuat, Montréal, Mémoires d’encrier, 2013.

[9] Kanapé Fontaine, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Montréal, Mémoire d’encrier, 2013.

[10] Nicholas Dawson et Karine Rosso, Nous sommes un continent. Correspondance mestiza, Montréal, Triptyque, 2021.

[11] Billy-Rey Belcourt, Cette Blessure est un territoire, Montréal, Tryptique, (2017) 2019 (trad).

[12] Pour Lesbienne, Gay, Bi, Trans, Queer et Deux esprits.

[13] Cy Lecerf Maulpoix, Écologies déviantes, Paris, Cambourakis, 2021.

[14] Judith Butler, La Force de la non violence, Paris, Fayard, 2021.

[15] François Cusset, Le Déchaînement du monde. Logique nouvelle de la violence, Paris, La Découverte, 2018.

[16] Florian Gardena et Pierre-Luc Landry, La Guerre est dans les mots et il faut les crier, Montréal, Triptyque, 2022.

[17] Françoise d’Eaubonne, Contre la violence ou la résistance à l’état, Paris, Éditions Tierce,1978.

[18] Frantz Fanon, Les Damnés de l