Intelligence artificielle et imaginaire artistique
L’intelligence artificielle semble bousculer les derniers bastions de l’humain, elle contamine même la créativité. Par sa définition même, cette intelligence intrigue, occupe les esprits et les médias car elle simule des comportements qu’on pensait inaccessibles au fonctionnement de la machine. Des artistes, populaires, connus ou émergents, s’en emparent et la mettent en scène, ainsi Laurie Anderson et ses improvisations, Holly Herndon et le clonage vocal, Alexander Schubert et son théâtre musical avec avatars[1]…

Les logiciels abondent, des outils simplifiés générant images, mélodies, textures, accords, interactivité. Magenta-Google, fer de lance d’un casual Art, d’un « art décontracté » pour tous et par tous, aligne les multiples « à la manière de »… Pollock, Schubert, Van Gogh, Mozart ; Midjourney produit des images saisissantes à partir d’une simple description textuelle. Parcourir ces laboratoires en ligne, c’est plonger dans un tohubohu invraisemblable où le tour de force le dispute au kitsch, l’incongruité à la norme, la nouveauté au similaire sans âge.
Apprentissage automatique, désapprentissage humain
La reproductibilité n’est pourtant pas née avec l’actuelle explosion de l’intelligence artificielle. Il suffit de songer aux immenses galeries d’art ancien en Italie, des Annonciations à perte de vue, dans la peinture du XIVe au XVIe siècle. Ces traversées sont tout à la fois fascinantes et harassantes, jusqu’au moment où une image interrompt le genre, la série et notre déambulation, une apparition de Fra Angelico, Filippo Lippi, Piero della Francesca ou Leonardo. Les peintres connaissaient et pratiquaient les règles de la représentation de l’irreprésentable, précisément l’Annonciation, ils se sont copiés, appris et « variés » successivement. Leurs œuvres déjouent des connexions figées entre ces règles, parfois en exemplifiant la convention.
De même il existe des milliers d’intérieurs hollandais du XVIIe siècle, reproduisant la même situation, jusqu’