Le numérique que nous voulons
Au-delà des discours d’accompagnement et des promesses de « progrès social » associées à leur déploiement, on constate que le développement des technologies numériques se trouve pris en main par un capitalisme toujours plus prédateur qui s’appuie sur des modèles économiques faisant la part belle à l’évasion fiscale, la privatisation de la connaissance et la destruction de la protection sociale pour étendre son marché. Ainsi, si la gratuité des débuts a favorisé une appropriation des usages massive et rapide, les plateformes ont progressivement installé des monopoles qui ont largement contribué à détricoter un modèle social conquis de haute lutte. Leurs besoins inédits en ressources on également eu pour effet de déstabiliser des équilibres géopolitiques précaires, comme le montrent les tensions autour des semi-conducteurs à Taïwan[1].

Pour perdurer, ces grandes entreprises du numérique, parfois qualifiées de « big tech[2] », ont appris à cohabiter avec les États et leurs exigences pour conforter leurs positions dominantes. Selon les contextes, les fonctionnements diffèrent. Le modèle américain repose sur un partenariat autour de la surveillance des populations, comme dénoncé par Edward Snowden ; la collaboration avec l’État Chinois impose aux entreprises qui s’installent sur son marché intérieur l’intégration de puissants outils de censure destinés à contrôler l’opinion publique[3] ; l’Europe, elle, tente de se doter d’outils de régulation partagés susceptibles d’organiser la concurrence et de permettre l’émergence de champions pour contrer l’influence des acteurs américains avec l’adoption des Digital Services Act et Digital Market Act en complément du RGPD. Dans tous les cas, loin de s’imposer comme des champions démocratiques, les acteurs économiques du numérique incarnent une vision opaque et peu inclusive de l’art de gouverner.
Pourtant, le constat est paradoxal : malgré une situation de plus en plus critiquée par les experts et les observateurs, le se