Société

Les villes ont-elles encore un avenir ?

Géographe

Cette dernière décennie, les grandes villes ont fait l’objet de nombreuses critiques jusqu’à être qualifiées de « barbares ». Dans ce grand maelström des villes, de leurs édiles et services, de leurs habitants et usagers, de leurs acteurs, qui tâtonnent pour répondre aux nombreux défis qui les attendent, quelle part peuvent prendre les artistes ? Une réponse à l’occasion du festival le Nouveau Printemps à Toulouse, dont la designeuse matali crasset est cette année l’artiste associée.

Les villes ont joué un grand rôle dans le développement des civilisations. Lieu de l’établissement du commerce et des échanges économiques, de la concentration et de l’exercice des pouvoirs, mais également de l’effervescence culturelle, elles ont été aussi, au cours des siècles, pour nombre de leurs habitants, le lieu d’une double expérience anthropologique, d’un affranchissement émancipateur de la communauté d’origine et de son contrôle social, et d’une confrontation à la densité, la diversité et l’altérité, autant d’éléments fondateurs d’une civilité régulée par l’intériorisation de normes et de règles de comportement qui ont autorisé la cohabitation et la coprésence.

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En Europe, elles ont été le creuset culturel de la fabrique démocratique et elles le restent aujourd’hui de par le monde, là où la lutte contre les formes contemporaines d’autocratie ou de dictature trouve d’abord à s’exprimer sur la scène de l’agora urbaine.

Mais il ne s’agit pas pour autant de faire l’apologie des villes : d’abord, parce que selon leur taille, elles recouvrent des réalités bien différentes. Quoi de comparable en effet entre le tissu français des petites villes, les métropoles régionales que sont Toulouse ou Montpellier, les capitales à l’instar de Paris ou Londres et les mégalopoles mondiales comme Mexico ou Lagos ? Si l’on s’en tient à la France, en dehors de Paris qui peut être qualifiée de « ville globale », les autres grandes agglomérations urbaines sont tout au plus, à l’échelle planétaire, des villes moyennes. Cependant, sans atteindre le degré de ségrégation que connaissent les mégalopoles, elles sont le lieu d’inégalités sociales, dans les conditions de logement, dans l’accès aux services et équipements, dans la capacité à profiter des aménités urbaines, qui conditionnent les vies urbaines ; elles sont le lieu des solitudes qui broient les destinées des plus fragiles, de l’invisibilité des plus pauvres ; elles peuvent se montrer inhospitalières, rejetant à leurs m


Marie-Christine Jaillet

Géographe, Directrice de recherche émérite au CNRS, spécialiste des études urbaines