Éducation

Penser l’autonomie des élèves contre l’obsession autoritariste

Sociologue

Le discours a été martelé avant la rentrée : le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, veut « remettre le respect de l’autorité » au cœur de l’école républicaine. Mais alors comment la défiance des jeunes les plus défavorisé·e·s face à une institution perçue comme oppressive et méprisante pourrait-elle se réduire en faisant l’expérience d’un autoritarisme accru ?

Pour le nouveau ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, il semble clair qu’une notion est particulièrement centrale dans sa conception de l’éducation : l’autorité.

Lors de sa nomination ce 20 juillet, il a ainsi promis de « remettre le respect de l’autorité et les savoirs fondamentaux au cœur de l’École ». Ce discours s’inscrit dans le cadrage des « émeutes » de l’été 2023 par le gouvernement : celles-ci seraient le fait de jeunes en manque de repères et d’autorité au niveau de la famille et de l’école. Il trace également un inquiétant parallèle avec les discours d’extrême-droite sur l’école, le programme de Marine Le Pen en 2022 appelant également à « restaurer l’autorité du maître et de l’institution scolaire ». L’extrême-droite et l’extrême-centre se rejoignent également dans la proposition phare pour poursuivre cet objectif : l’uniforme.

Les impasses de l’autorité scolaire

Au-delà du caractère individualiste de ce cadrage, le gouvernement privilégie une conception de l’autorité scolaire qui ambitionne essentiellement l’intériorisation de « valeurs républicaines » par les élèves et s’incarne dans la figure de l’enseignant·e. Sous couvert de « respect », elle attend de l’élève une soumission à des valeurs qu’il doit intégrer sans discussion. L’autorité est ici fondamentalement répressive et orientée vers l’apprentissage d’un modèle de pensée et de comportement (adulte) déjà défini. Elle correspond donc à ce que le chercheur en sciences de l’éducation Bruno Robbes[1] nomme l’autoritarisme.

Plus largement, cette vision s’inscrit dans une conception déficitaire de l’enfant, clairement exposée par Hannah Arendt dans le fameux texte « La crise de l’éducation » (1961) qui inspire encore la pensée conservatrice sur l’éducation de nos jours. Celui-ci est conçu non comme un sujet à part entière, mais comme un objet de développement passif devant avant tout intégrer les valeurs de la société dans laquelle il naît. Toute tentative de conférer de l’autonomie aux enf


[1] B. Robbes, L’autorité éducative dans la classe. Douze situations pour apprendre à l’exercer, ESF, 2010.

[2] La progressive education est un terme américain correspondant plus ou moins à la « pédagogie nouvelle » en France. Il s’agit de courants pédagogiques hétérogènes apparaissant à partir de la fin du XIXème siècle, mais qui ont en commun une critique de la pédagogie « traditionnelle », une emphase sur l’activité de l’enfant et une remise en cause de la relation verticale entre l’enseignant·e et l’élève. Voir G. Leroy, Sociologie des pédagogies alternatives, La Découverte, 2022.

[3] R. Gasparini, Ordres et désordres scolaires : la discipline à l’école primaire, Grasset, 2000.

[4] C. Freinet, L’Éducation morale et civique, Éditions de l’École moderne française, 1960.

[5] F. Oury, « Institutions : de quoi parlons-nous ? », Institutions, n° 34, mars 2004, p. 12.

[6] F. Oury, J. Pain, Chroniques de l’école-caserne, Maspero, 1972.

Nicolas Duval-Valachs

Sociologue, Doctorant à l’EHESS et professeur agrégé de sciences économiques et sociales

Notes

[1] B. Robbes, L’autorité éducative dans la classe. Douze situations pour apprendre à l’exercer, ESF, 2010.

[2] La progressive education est un terme américain correspondant plus ou moins à la « pédagogie nouvelle » en France. Il s’agit de courants pédagogiques hétérogènes apparaissant à partir de la fin du XIXème siècle, mais qui ont en commun une critique de la pédagogie « traditionnelle », une emphase sur l’activité de l’enfant et une remise en cause de la relation verticale entre l’enseignant·e et l’élève. Voir G. Leroy, Sociologie des pédagogies alternatives, La Découverte, 2022.

[3] R. Gasparini, Ordres et désordres scolaires : la discipline à l’école primaire, Grasset, 2000.

[4] C. Freinet, L’Éducation morale et civique, Éditions de l’École moderne française, 1960.

[5] F. Oury, « Institutions : de quoi parlons-nous ? », Institutions, n° 34, mars 2004, p. 12.

[6] F. Oury, J. Pain, Chroniques de l’école-caserne, Maspero, 1972.