Société

Harcèlement scolaire : les risques d’une politique-spectacle

Sociologue, Sociologue

Il y a quelques jours des policiers interpellaient, en plein cours, un adolescent suspecté d’insultes transphobes et de menaces de mort sur un réseau social. Si le ministre Gabriel Attal s’est félicité d’une « réponse rapide », il s’agit bien plutôt d’un détournement et d’une exploitation politique – tant du fait divers et des émotions qu’il a suscitées, que de l’espace scolaire –, qui fait régresser la compréhension comme le traitement du problème du harcèlement.

On apprenait par les médias, le 19 septembre dernier, l’interpellation, la veille, en plein cours, au collège Henri-Barbusse d’Alfortville, d’un adolescent de 14 ans suspecté d’être l’auteur d’insultes transphobes et de menaces de mort sur un réseau social. Placé en garde à vue, où il a reconnu les faits, l’adolescent a été déféré au parquet, qui lui a notifié une mesure de réparation pénale. Toujours selon la presse, la victime est une adolescente de 15 ans en transition de genre, scolarisée dans le lycée Maximilien-Perret d’Alfortville.

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Si l’on a peu de recul sur les événements, leur contexte, leur histoire et leur déroulement factuel, on dispose néanmoins à travers la médiatisation d’un ensemble d’informations, qui conduit à s’interroger, à travers ses choix de mise en scène, sur les ressorts et le sens de cette « affaire » : dans cette opération spectaculaire, que révèle le casting ? Et à quoi ou à qui s’agit-il d’envoyer quel message ? Replacé dans le contexte des politiques scolaires et de la communication ministérielle, cet épisode peut faire craindre à la fois une régression sécuritaire et une racialisation des problèmes scolaires, notamment concernant la stratégie ministérielle en matière de lutte contre le « harcèlement ».

Le choix du cadrage : une question de « harcèlement scolaire » ?

La situation a été opportunément présentée par le gouvernement comme une question de « harcèlement scolaire ». Opportunément, car selon les médias le ministre de l’Éducation Nationale, Gabriel Attal, serait « sous pression depuis les révélations samedi [dernier] du « courrier de la honte » ». L’expression, forgée par quelques médias spécialisés dans la mise en polémique, vise un autre drame survenu à Poissy, révélé une dizaine de jours plus tôt : celui d’un adolescent qui avait « fait état de brimades et d’injures répétées de la part de plusieurs élèves » et a fini par se suicider. Suite à quoi l’on a appris que, en réponse aux pressions des parents qui menaçaient


[1] Denise C. Gottfredson, Schools and Delinquency, Cambridge University Press, 2000.

[2] Denis Meuret, « La mauvaise discipline dans les classes françaises et quelques autres résultats de PISA 2015 », Les Notes du conseil scientifique de la FCPE, 2017.

[3] Julien Garric, « Mettre les élèves à la porte : étude compréhensive des effets de l’exclusion ponctuelle de cours sur la déviance scolaire », Revue française de pédagogie, 2021.

Fabrice Dhume

Sociologue, Professeur de sociologie à l'UCLouvain, et chercheur au GIRSEF

Julien Garric

Sociologue, Maître de conférences à Aix-Marseille Université et chercheur à l'IREMAM

Notes

[1] Denise C. Gottfredson, Schools and Delinquency, Cambridge University Press, 2000.

[2] Denis Meuret, « La mauvaise discipline dans les classes françaises et quelques autres résultats de PISA 2015 », Les Notes du conseil scientifique de la FCPE, 2017.

[3] Julien Garric, « Mettre les élèves à la porte : étude compréhensive des effets de l’exclusion ponctuelle de cours sur la déviance scolaire », Revue française de pédagogie, 2021.